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15 décembre 2014

CNDA 10 juillet 2014 M. A. et M. A. n° 13008119 et n° 13015161 C

Fraude - Preuve - Requérant se revendiquant de la nationalité soudanaise et produisant une carte de réfugié délivrée au Tchad sur le fondement de la Convention de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) - Rejet

Sur la jonction :

Considérant que les recours n° 13008119 et n° 13015161 susvisés ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre et de statuer par une même décision ;

 

Sur les demandes d’asile :

Considérant qu’en vertu du 2 du A de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, la qualité de réfugié est notamment reconnue « à toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) » ;

 

Considérant, d’une part, qu’à l’appui du recours n° 13008119 susvisé, le requérant, se présentant sous l’identité de M. A., soutient qu’il est de nationalité soudanaise, originaire de El Geneina au Darfour, né le 2 août 1987, et appartient à l’ethnie Massalit, branche Terbiba ; qu’après avoir été scolarisé trois ans dans une école coranique, il a travaillé comme agriculteur sur l’exploitation familiale ; que, le 25 février 2004, son village a été attaqué par les forces armées soudanaises et les milices Janjawid ; qu’au cours de cette attaque, ses parents ont été tués et lui-même fait prisonnier par les Janjawid ; qu’il a alors été emmené avec son troupeau de bêtes à Konga où il est resté une semaine, avant d’être remis aux militaires et conduit au poste de police ; qu’il a ensuite été contraint de travailler durant trois mois au cours desquels il a été maltraité par les gardes et interrogé au sujet des membres du Mouvement pour la justice et l’égalité et l’Armée de libération du Soudan ; que, tombé malade en raison des mauvais traitements subis, il a été hospitalisé durant une semaine, puis, grâce à l’aide d’un membre du personnel soignant, a réussi à prendre la fuite et, le 5 juin 2004, a gagné le Tchad où il a retrouvé l’un de ses frères et ses deux sœurs ; qu’ils se sont rendus au camp de Gaga où il a vécu durant sept années ; qu’en juillet 2011, un accord entre les gouvernements tchadien et soudanais étant intervenu, il a fui vers la Libye, craignant d’être interpellé et renvoyé au Soudan ; qu’en Libye, il a travaillé jusqu’en août 2012, puis a gagné la France, après avoir vainement tenté de retourner au Tchad ;

 

Considérant, d’autre part, qu’à l’appui du recours n° 13015161 susvisé, le requérant, se présentant sous l’identité de M. A., soutient que, de nationalité soudanaise et né le 30 janvier 1987, il est originaire de Terbiba au Darfour ; que, le 25 février 2004, son village a fait l’objet d’une attaque de la part des forces gouvernementales et des Janjawid, attaque au cours de laquelle ses parents et d’autres villageois ont trouvé la mort ; qu’il a alors pris la fuite vers le Tchad avant de se rendre en Libye le 25 mars 2004, pays où il a travaillé jusqu’en 2012 ; qu’il a quitté ce pays en raison de la guerre civile pour gagner la France en novembre 2012 ;

 

Considérant, toutefois, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction, notamment de la comparaison entre les différents éléments figurant aux dossiers, en particulier les éléments d’identité ou d’état civil déclarés, les photographies produites et les faits de persécution allégués, ainsi que des déclarations faites à l’audience par le requérant qui a reconnu avoir présenté deux demandes d’asile sous des identités différentes, celle de M. A. et celle de M. A., que le recours n° 13008119, dirigé contre une décision de rejet du directeur général de l’OFPRA en date du 18 février 2013, et le recours n° 13015161, dirigé contre une décision en date du 30 avril 2013, ont été présentés par la même personne ; qu’invité par la cour tant lors de l’instruction écrite contradictoire qu’à l’audience, qui s’est tenue à huis clos, à fournir tout élément d’explication sur la présentation de deux demandes d’asile, l’une au mois de décembre 2012 et l’autre au mois de mars 2013, sous des identités différentes, le requérant, qui a déclaré se nommer M. A., n’a fourni aucune indication précise sur ses démarches qui révèlent une fraude aux procédures d’asile ; qu’au surplus, la cour relève, sans que le requérant n’ait davantage apporté la moindre explication tangible sur ce point, que les services préfectoraux ont été dans l’impossibilité, lors de l’examen de ses demandes d’admission provisoire au séjour au titre de l’asile, d’exploiter ses empreintes digitales ; qu’ainsi, de telles circonstances sont de nature à jeter un doute sérieux sur la crédibilité des démarches effectuées par l’intéressé en vue d’obtenir l’asile ainsi que sur la véracité de l’ensemble de ses déclarations ;

 

Considérant, en second lieu et en tout état de cause, qu’invité également au cours de l’audience à présenter tout élément d’éclaircissement de nature à étayer réellement sa demande de protection et interrogé, en particulier, sur les discordances ou invraisemblances entachant ses différentes déclarations, le requérant n’a fourni aucune explication un tant soit peu crédible ou suffisamment précise permettant d’établir, avec une certitude suffisante, tant son identité, sa nationalité, sa provenance et sa situation familiale que le ou les pays où il a résidé, la réalité des faits allégués et le bien-fondé de ses craintes ; qu’en particulier, l’intéressé n’a présenté aucune indication précise, personnalisée et convaincante de nature à regarder comme établie sa provenance du Soudan ou sa nationalité soudanaise ; que, sur ce point, si l’intéressé a produit, à l’appui du recours n° 13008119, une carte de réfugié délivrée au Tchad, sur le fondement du 2 de l’article 1er de la convention de l’Organisation de l’Unité africaine du 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, à un dénommé A., ni les éléments d’information fournis sur cette carte par courriers des 2 mai et 2 juin 2014 de la Représentation en France du Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ni les déclarations du requérant ne permettent de regarder l’intéressé comme étant le titulaire de ladite carte ; que l’intéressé n’a fourni que des explications très peu étayées, voire très peu crédibles ou particulièrement changeantes, confuses et non concluantes sur les éléments essentiels de ses récits, au demeurant divergents, notamment sur la ou les attaques dont son village aurait fait l’objet par les forces gouvernementales et les Janjawid, notamment en février 2004, les circonstances de son arrestation et les conditions de sa détention durant trois mois tout comme celles de sa fuite d’un hôpital pour gagner le Tchad, relatée de manière très peu vraisemblable, ou les raisons pour lesquelles il aurait été particulièrement ciblé par les forces gouvernementales alors qu’il était encore très jeune et n’avait aucun lien avec les mouvements rebelles ; qu’enfin, la cour relève qu’il en est de même des explications du requérant, dépourvues de toute crédibilité, sur son itinéraire ou ses lieux de résidence entre 2004 et 2012, la composition de sa famille et la situation passée ou actuelle de ses membres ou encore les circonstances exactes du décès de son père, l’intéressé persistant à déclarer à l’audience publique que son père est décédé en février 2004 lors de l’attaque de son village alors que le courrier susmentionné du HCR en date du 2 mai 2014 indique que le père du dénommé A. est décédé au Tchad en 2007 ;

 

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les recours n° 13008119 et n° 13015161 présentés par M. A., alias A., ne peuvent qu’être rejetés ;

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