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28 mars 2020

La CNDA exerce sa compétence consultative sur la mesure d’éloignement visant un réfugié privé de son statut en application de l’article L. 711-6, 1° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

La CNDA a été saisie d’une demande d’avis, au titre de l’article L. 731-3 du CESEDA, sur le maintien ou l’annulation d’une décision préfectorale de reconduite à la frontière visant un réfugié russe d’origine tchétchène privé de son statut de réfugié au motif que sa présence en France constitue une menace grave pour la sûreté de l’Etat (Article L. 711-6 du CESEDA). La juridiction s’estime compétente en ce que le requérant, privé de son statut de réfugié sans que ses craintes de persécutions vis-à-vis de la Russie aient été remises en cause, répond toujours aux conditions matérielles de la qualité de réfugié et doit être être regardé comme un réfugié au sens et pour l’application de l’article L. 731-3 du CESEDA et que la mesure d’éloignement en cause, en ce qu’elle désigne la Russie comme pays de destination, est une mesure de refoulement au sens de l’article 33 de la convention de Genève.
Pour fonder son avis, la Cour a tiré les conséquences nécessaires de l’arrêt de la CJUE (GC) du 14 mai 2019 Affaires jointes C-391/16, C-77/17 et C-78/17, qui dispose que les États membres sont tenus de respecter les obligations qui leurs incombent en matière de protection des réfugiés, en application du droit de l’Union européenne. Ainsi, et en particulier si les dispositions de l’article 21§2 de la directive 2011/95/UE, qui reprennent celles de l’article 33§2 de la convention de Genève, permettent de procéder au refoulement d’un réfugié dans les hypothèses prévues par l’article L. 711-6 du CESEDA, elles doivent être interprétées et appliquées dans le respect des droits garantis par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment à l’article 4 et à l’article 19, paragraphe 2, qui interdisent en des termes absolus la torture ainsi que les peines et les traitements inhumains ou dégradants, quel que soit le comportement de la personne concernée, de même que l’éloignement vers un Etat où il existe un risque sérieux qu’une personne soit soumise à de tels traitements.
Prenant acte de ce que le requérant demeure un réfugié qui, en tant que tel, justifie d’une crainte fondée d’être persécuté pour un motif politique en cas de retour vers son pays d’origine, la Cour estime que la decision d’éloignement, en tant qu’elle fixe la Russie comme pays de destination, est contraire aux obligations de la France découlant du droit à la protection des réfugiés contre le refoulement, garanti ensemble par l’article 33 de la convention de Genève, les articles 4 et 19, paragraphe 2, de la charte des droits de l’Union européenne et l’article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CNDA (avis) 14 février 2020 M. T. n°20002805 C+).

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