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23 juillet 2021

Nigéria : en dehors des Etats d’Edo et du Delta, les femmes s’étant extraites des réseaux de prostitution sont éligibles à la protection subsidiaire.

Saisie du recours d’une femme nigériane originaire de l’Etat fédéré de Lagos alléguant s’être extraite d’un réseau de prostitution, la Cour a octroyé à l’intéressée le bénéfice de la protection subsidiaire sur le fondement de l’article L. 512-1, 2° du CESEDA.
Cette décision est conforme à la jurisprudence du Conseil d’Etat relative au traitement de la demande d’asile fondée sur l’implication forcée dans un réseau de traite des êtres humains au Nigeria. Pour mémoire, la Haute assemblée a prescrit au juge de l’asile, dans une décision Edosa Felix , de rechercher si la société environnante ou les institutions nigérianes perçoivent les femmes victimes d’un réseau de traite des êtres humains comme ayant une identité propre, constitutive d'un groupe social au sens de l’article 1er A, 2 de la Convention de Genève, avant de définir, avec sa décision Adeniyi , le groupe social des femmes victimes de réseaux de trafic d’êtres humains dans l’Etat d’Edo, comme celui des« femmes nigérianes originaires de l'Etat d'Edo, victimes d’un réseau de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle » (qui) « sont effectivement parvenues à s’extraire d’un tel réseau » : elles « partagent une histoire commune et une identité propre, perçues comme spécifiques par la société environnante dans leur pays ».
En l’espèce, après avoir vérifié l’effectivité de la soustraction de la requérante au réseau qui l’asservissait et les craintes en résultant en cas de retour au Nigeria, la Cour a déterminé le fondement de la protection internationale rendue nécessaire du fait de l’existence d’un risque avéré. A cet égard, la Cour a tenu compte des sources publiques consultées, dont il ressort que la traite pratiquée dans l’Etat de Lagos ne peut être regardée comme atteignant, par son ampleur, ses méthodes et les moyens d’emprise sur ses victimes, un niveau comparable à celui prévalant dans les Etats d’Edo et du Delta , où celle-ci s’apparente, de fait, à une norme sociale dont la transgression, manifestée par la soustraction des femmes qui en sont victimes aux réseaux qui les exploitent, exposerait celles-ci à des représailles de la part de leurs anciens proxénètes mais aussi à une mise au ban de la société. L’absence de telles caractéristiques dans l’Etat de Lagos a conduit la Cour à considérer que la requérante ne pouvait être regardée comme appartenant à ce groupe social et que, dès lors, la protection subsidiaire devait lui être octroyée sur le fondement de l’article L. 512-1, 2° du CESEDA, en raison des risques de tortures ou de traitements inhumains ou dégradants auxquels elle est exposée (CNDA 29 juin 2021 Mme A. n°20013918 C+).

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