La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) avait déjà jugé, par une décision du 13 septembre 2024, que les ressortissants palestiniens originaires de la bande de Gaza protégés par l’ONU pouvaient demander le statut de réfugié en France compte tenu du fait que leur protection sur place ne pouvait plus être assurée.
Par une décision du 11 juillet 2025, la Cour juge que les ressortissants palestiniens originaires de la bande de Gaza non protégés par l’ONU peuvent se voir accorder le statut de réfugié en application de la convention de Genève de 1951 en raison des méthodes de guerre utilisées par les forces israéliennes depuis la fin en mars 2025 du cessez-le-feu conclu le 19 janvier 2025.
La CNDA a été saisie d’une demande de protection internationale par une femme et son fils mineur originaires de Beit Lahia, localité située dans le nord de Gaza. Ils avaient été pris en charge par l’ambassade de France au Caire et avaient pu entrer en France grâce à deux laissez-passer consulaires. Ils s’étaient vu accorder par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) une protection subsidiaire prévue par le droit européen compte tenu de la situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle résultant du conflit armé entre les forces du Hamas et les forces armées israéliennes conformément à une jurisprudence de la Cour du 12 février 2024.
Contrairement à d’autres ressortissants palestiniens, les requérants n’étaient pas juridiquement protégés par l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine (UNRWA). Ils demandaient à la Cour de leur reconnaître la qualité de réfugié sur le fondement de la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés.
La Cour a examiné leur requête en tenant compte de la situation actuelle dans la bande de Gaza à la suite de la fin du cessez-le-feu en mars 2025. Elle s’est appuyée sur les sources documentaires publiques disponibles, en particulier les rapports d’organismes des Nations Unies (Comité spécial des Nations unies chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, Secrétaire général des Nations unies, Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) et UNRWA) et sur la résolution de l’assemblée générale des Nations Unies adoptée le 12 juin 2025.
La Cour constate que les forces israéliennes contrôlent une partie substantielle du territoire de la bande de Gaza.
Elle relève ensuite, comme l’a indiqué l’OFPRA lui-même dans ses écritures, que les méthodes de guerre employées par les forces israéliennes dans la bande de Gaza conduisent à un nombre important de victimes et de blessés civils dont une majorité de femmes et d’enfants, une destruction à grande échelle d’infrastructures essentielles à la population civile, comme des points d’approvisionnement et de distribution d’eau et d’électricité, d’hôpitaux ou des écoles et des déplacements forcés de population et que les entraves et blocages à l’acheminement de l’aide humanitaire créent un niveau de crise d’insécurité alimentaire pour l’ensemble de la population gazaouie. Elle estime que ces méthodes de guerre, qui affectent directement et indistinctement l’ensemble de la population civile de Gaza depuis la rupture de l’accord de cessez-le-feu du 19 janvier 2025, sont suffisamment graves du fait de leur nature et de leur caractère répété pour pouvoir être regardés, en application de la directive européenne du 13 décembre 2011 sur le droit d’asile, comme des actes de persécution.
La Cour constate ensuite que ces persécutions sont liées à un motif de la convention de Genève. En effet, la Cour juge que les apatrides palestiniens de Gaza possèdent les caractéristiques liées à une « nationalité » qui, au sens et pour l’application de l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève, recouvre « l’appartenance à un groupe soudé par son identité culturelle, ethnique ou linguistique, ses origines géographiques ou politiques communes, ou sa relation avec la population d’un autre État ».
Pour ces raisons, la Cour accorde à une mère et à son fils mineur, apatrides palestiniens résidant dans la bande de Gaza, le statut de réfugiés en considérant qu’ils craignent, avec raison, en cas de retour dans ce territoire d’être personnellement persécutés, du fait de cette « nationalité », par les forces armées israéliennes qui contrôlent une partie substantielle de ce territoire.
CNDA, 11 juillet 2025, Mme H., n° 24035619, R
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