La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) juge que l’ensemble des femmes afghanes qui refusent de subir les mesures prises à leur encontre par les taliban peuvent obtenir le statut de réfugiées du fait de leur appartenance au groupe social des femmes et des jeunes filles afghanes.
La grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a jugé, dans son arrêt du 16 janvier 2024, WS (C-621/21), qu’en fonction des conditions prévalant dans un pays, les femmes dans leur ensemble peuvent être regardées comme appartenant à un groupe social susceptible d’être protégé comme réfugié. Tel est le cas si elles sont exposées à des violences, y compris des violences sexuelles et domestiques. Si les conditions d’octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies, une femme peut bénéficier d’une protection subsidiaire, prévue par le droit européen en cas de menace réelle d’être tuée ou de se voir infliger des actes de violence par un membre de leur famille ou de leur communauté.
Au-delà du fait d’être de sexe féminin, l’identification du groupe social nécessite que les femmes soient perçues de manière différente par la société environnante et qu’elles se voient reconnaître une identité propre dans cette société, en raison notamment de normes sociales, morales ou juridiques ayant cours dans leur pays d’origine.
Réunie en Grande formation, la CNDA, par une décision du 11 juillet 2024, a constaté, en s’appuyant sur la documentation publique disponible, notamment les rapports du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme du 20 juin 2023 et du rapporteur spécial des Nations unies des 1er septembre 2023 et 13 mai 2024 et la note d’orientation pour l’Afghanistan de l’agence de l’Union européenne pour l’asile, que les autorités afghanes ont porté atteinte, depuis leur arrivée au pouvoir le 15 août 2021, aux droits et libertés fondamentaux des femmes et des jeunes filles afghanes, notamment en les excluant du gouvernement provisoire, en supprimant les institutions et mécanismes de promotion de l’égalité de genre et de protection contre les violences basées sur le genre ainsi qu’en remettant en cause leur droit à la santé, à l’éducation et leur liberté d’aller et venir.
La Cour a jugé qu’il résulte de cet ensemble de normes juridiques et sociales que les femmes et jeunes filles afghanes sont, dans leur ensemble, perçues d’une manière différente par la société afghane et qu’elles doivent être considérées comme appartenant à un groupe social susceptible d’être protégé comme réfugié.
Elle a également estimé que ces graves mesures discriminatoires constituent des actes de persécution au sens de l’article 1er, section A, de la convention de Genève.
L’ensemble de ces constatations a conduit la Cour à juger que les femmes et les jeunes filles afghanes, qui refusent de subir ces mesures discriminatoires portant atteinte à leurs droits et libertés fondamentaux du seul fait qu’elles sont de sexe féminin, sont fondées à obtenir le statut de réfugiées.
La Cour a donc accordé le statut de réfugié aux requérantes qui l’avaient saisie.
CNDA, 9 juillet 2024, Mme O., n° 24014128, R
La Cour a considéré que les femmes mexicaines et les femmes albanaises ne pouvaient, dans leur ensemble, être considérées comme appartenant à un groupe social susceptible d’être protégé comme réfugié. Elle a donc examiné si les risques encourus par une femme mexicaine ou albanaise justifiaient une protection subsidiaire prévue par le droit européen.
La CNDA a relevé, par deux décisions du même jour, que ces deux pays avaient adopté un ensemble d’instruments internationaux et de législations nationales pour promouvoir l’égalité entre les sexes et lutter contre les violences subies par les femmes.
La Cour a jugé qu’eu égard à cet ensemble de normes juridiques adoptées par les institutions représentatives des sociétés mexicaines et albanaises et qui traduisent l’évolution des normes sociales aussi bien que morales de ces sociétés démocratiques, les phénomènes de discrimination et de violence qui perdurent à l’encontre des femmes dans ces pays ne peuvent s’analyser comme l’expression de normes sociales, morales ou juridiques traduisant une manière différente de percevoir les femmes par la société environnante mais au contraire comme des pratiques désormais réprouvées par cette société. Elle a donc estimé que les femmes mexicaines et albanaises ne peuvent, dans leur ensemble, être considérées comme appartenant à un groupe social susceptible d’être protégé comme réfugié.
La Cour a donc examiné si les deux requérantes couraient des risques de se voir infliger des actes de violence sans pouvoir bénéficier d’une protection effective des autorités de leur pays pour déterminer si elles devaient bénéficier de la protection subsidiaire prévue par le droit européen.
Dans les deux cas d’espèce qui lui étaient soumis, elle a estimé que ces risques n’étaient pas établis.
CNDA, 9 juillet 2024, Mme F., n° 24011731, R
CNDA, 9 juillet 2024, Mme B., n° 24006620, R
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