La grande formation de la CNDA reconnait la qualité de réfugiés d’une mère et son fils, apatrides palestiniens de la bande de Gaza

Jurisprudence
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Originaire de Beit Lahia, dans le nord de Gaza où elle a toujours résidé et dont sa famille est originaire, la requérante a demandé l’asile à l’OFPRA en mars 2024, en son nom et en celui de son enfant mineur qui avait été blessé lors d'un bombardement survenu au début des offensives militaires consécutives aux attaques du 7 octobre 2023. Ils sont tous deux parvenus à quitter la bande de Gaza le 2 novembre 2023, pour l’Egypte où son fils a reçu des soins hospitaliers, avant de rejoindre le territoire français en janvier 2024, sous couvert d’un laissez-passer consulaire. S’étant vu octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire par l’OFPRA, en raison du risque réel d’être exposée, ainsi que son fils, à une atteinte grave en sa qualité de civile en cas de retour dans la bande de Gaza, en raison de l’intensité de la violence résultant du conflit armé en cours, l’intéressée a toutefois sollicité le statut de réfugiée auprès de la CNDA. Réunie en grande formation, la Cour, après avoir estimé recevables les interventions de l’association ELENA France, de la Ligue des Droits de l’Homme, de la CIMADE et du GISTI, a constaté, à titre liminaire, que la requérante et son fils n’étant pas enregistrés auprès de l’UNRWA ni éligibles à bénéficier de son assistance, ils n’entraient pas dans le champ de l’article 1er D de la convention de Genève. En vue d’apprécier si les requérants étaient fondés à se prévaloir des dispositions de l’article 1er A 2 de la convention de Genève, la formation plénière de la CNDA s’est ensuite fondée sur un ensemble d’informations récentes et publiquement disponibles, émanant notamment de diverses instances de l’ONU, pour énoncer que les Palestiniens de Gaza sont victimes des méthodes de guerre employées par les forces armées israéliennes, qui ont causé un nombre très important de tués et de blessés civils, dont une proportion considérable de femmes et d’enfants, une destruction à grande échelle des habitations et des infrastructures essentielles ainsi que le déplacement forcé de l’écrasante majorité de la population. La Cour a rappelé que ces méthodes et leur impact sur les populations civiles étaient à l’origine des trois ordonnances rendues, entre janvier et mai 2024, par la Cour internationale de justice et a pu également constater que les entraves et blocages à l’acheminement de l’aide humanitaire, qui ont généré une très grave crise d’insécurité alimentaire pour l’ensemble de ce territoire, répondent à une stratégie de guerre assumée par les autorités israéliennes. Ces méthodes de guerre, affectant directement et indistinctement l’ensemble de la population civile de Gaza, ont été jugées suffisamment graves pour être regardées comme des actes de persécution du fait de leur nature et de leur caractère répété, en violation des droits fondamentaux de l’homme auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Enfin, la grande formation a jugé que les requérants, apatrides palestiniens de Gaza, possédaient les caractéristiques liées à une « nationalité » qui, au sens et pour l’application de l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève, recouvre « l’appartenance à un groupe soudé par son identité culturelle, ethnique ou linguistique, ses origines géographiques ou politiques communes, ou sa relation avec la population d’un autre État » et a estimé, en conséquence, que leurs craintes actuelles d’être persécutés par les forces armes israéliennes en cas de retour dans la bande de Gaza, se rattachaient à leur « nationalité » palestinienne. La requérante et son fils se sont vu reconnaitre la qualité de réfugiés (CNDA GF 11 juillet 2025 Mme H. n°24035619 R).