Accédez au site du Conseil d'État et de la Juridiction Administrative
Accueil / La CNDA / Actualités / UKRAINE : La situation de violence aveugle résultant...
16 février 2023

UKRAINE : La situation de violence aveugle résultant du conflit armé actuel et prévalant dans les régions de Donetsk, Louhansk, Zaporijia, Kharkiv et Odessa justifie l’octroi de la protection subsidiaire au titre de l’article L. 512-1, 3° du CESEDA.

A la suite d’une audience spécifique du 8 décembre 2022 lors de laquelle n’ont été examinés que les recours de ressortissants ukrainiens originaires de régions de l’est et du sud de l’Ukraine, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) fournit ses premières qualifications de la violence aveugle provoquée par le conflit armé initié en février 2022 entre forces russes et ukrainiennes en vue de l’application de l’article L. 512-1, 3° du CESEDA.
Pour ces demandes de protection internationale déposées avant l’offensive des troupes russes, par des ressortissants ukrainiens non éligibles à la protection temporaire , la Cour, après avoir estimé que les requérants ne pouvaient bénéficier ni du statut de réfugié au titre de la convention de Genève du 28 juillet 1951 ni de la protection subsidiaire de l’article L. 512-1, 1° et 2° du CESEDA, a envisagé l’application du type d/e protection subsidiaire réservée aux populations civiles exposées en raison d’une guerre dans leur pays d’origine.
Cette appréciation nécessite de déterminer si le conflit en cause génère, dans la partie du pays où le demandeur avait fixé ses centres d’intérêt, une violence aveugle l’exposant à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne et, le cas échéant, le niveau de cette violence, conformément à la décision de principe de la CJUE du 17 février 2009 Elgafaji n° C-465/07 et de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 7 mai 2012 OFPRA c. M. A. n° 323668 C).
Pour l’évaluation du niveau de violence aveugle, la CNDA a repris les lignes générales fixées par sa jurisprudence CNDA (GF) 19 novembre 2020 M. M. n°18054661 R prévoyant la prise en compte de critères tant quantitatifs que qualitatifs au vu de sources pertinentes à la date à laquelle elle rend sa décision. Pour ces affaires ukrainiennes, la Cour s’est appuyée sur les données publiques fournies par l’organisation non gouvernementale The Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
L’analyse de ces données a conduit le juge de l’asile à considérer qu’à la date de sa décision, prévalait dans les « oblast » (régions) ukrainiens de Donetsk, Kharkiv, Louhansk et Zaporijjia une situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle justifiant l’octroi de la protection subsidiaire sur la base de la seule provenance du demandeur de la région concernée. L’interprétation des données publiques disponibles concernant l’oblast d’Odessa a amené la Cour à estimer que la violence aveugle y prévalant actuellement n’atteignait pas un niveau tel qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire que chaque civil qui y retourne court, du seul fait de sa présence dans sa région d’origine, un risque réel de menace grave. Pour l’affaire concernée, la juridiction a estimé que la situation personnelle de l’intéressée particulièrement vulnérable, âgée, souffrant de plusieurs pathologies et dépourvue de toute assistance familiale, caractérisait un risque réel d’être exposée à une menace grave contre sa vie ou sa personne.

Enfin, la Cour, si elle ne se prononce pas expressément sur la situation sécuritaire prévalant dans chaque oblast ukrainien, exclut néanmoins d’user de la faculté d’opposer l’asile interne prévue par l’article L. 513-5 du CESEDA, disposition permettant de rejeter la demande d’une personne au motif qu’elle aurait accès légalement et en toute sécurité à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine et si on peut raisonnablement attendre à ce qu’elle s’y établisse, en jugeant que la totalité du territoire de l’Ukraine se trouve dans une situation de conflit armé international à l’origine d’une violence aveugle.
(CNDA 30 décembre 2022 Mme C. n° 21060196 C+ ; CNDA 30 décembre 2022 MM. A. n°21063903 et 22002736 C+ ; CNDA 30 décembre 2022 M. M. n° 21048216 C+ ; CNDA 30 décembre 2022 M. T. n° 22001393 C+ ; CNDA 6 janvier 2023 M. K. n° 21041482 C+).

A savoir