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Histoire de la Cour nationale du droit d'asile

> La protection des réfugiés après la guerre

> La naissance de la Commission des recours des réfugiés

> Une juridiction nouvelle, dotée de moyens modestes

> Une activité juridictionnelle stable pendant 25 ans

> La première crise

> La mutation des années 1980

> L’adaptation permanente aux flux et reflux des demandes

> Les récentes réformes de structure

La Commission des recours des réfugiés, créée par la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 a tenu sa première séance le 30 juillet 1953.

Jusqu’en 1979, son activité est demeurée stable, la moyenne de décisions rendues avoisinant les 300 par an. A compter des années 80, avec la multiplication des conflits dans le monde et le durcissement des conditions d’immigration, le nombre d’affaires enregistrées devant la commission s’est considérablement accru pour atteindre 16 515 affaires en 1989. Depuis lors, l’activité de la juridiction demeure soutenue.

Première juridiction administrative spécialisée par le nombre d’affaires jugées, cette juridiction, devenue Cour nationale du droit d’asile, est rattachée depuis le 1er janvier 2009, pour sa gestion, au Conseil d’Etat.

La protection des réfugiés après la guerre

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les nations unies adoptent une série de mesures pour régler la situation des personnes déplacées en raison du conflit.

Plus d’un million de réfugiés européens à la fin de la guerre

L’Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) est créée en 1946.

Sur le plan juridique, l’adoption du statut du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le 14 décembre 1950, et la signature de la convention de Genève, le 28 juillet 1951, posent les bases du dispositif actuel de protection des réfugiés.

Les stipulations de la convention de Genève

Le terme de réfugié s’applique à toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Le champ de la protection est limité dans le temps : les événements doivent être antérieurs au 1er janvier 1951. Il est également limité dans l’espace : lorsque la France ratifie cette convention en 1954, elle choisit d’en restreindre l’application aux ressortissants des pays d’Europe.

Il est cependant exclu d’accorder la qualité de réfugié dans trois cas :

  • si les personnes ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ;
  • si elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil ;
  • ou si elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies.

La nécessité d’une gestion nationale des réfugiés

Dépendante du financement des États et à vocation provisoire, l’OIR cesse ses activités en janvier 1952. Il revient alors à la France de mettre en place ses propres instances de protection des réfugiés.

La naissance de la Commission des recours des réfugiés

L’idée d’une juridiction spécialisée surgit au parlement lors des débats relatifs à la création de l’OFPRA.

Une création non prévue

Élaboré par le Gouvernement en 1950, le projet de loi portant création d’un Office français de protection des réfugiés et apatrides n’est débattu au Parlement que deux ans plus tard.

Il ne prévoyait pas la création d’une juridiction spécialisée. Afin d’accorder des garanties supplémentaires aux réfugiés, la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale introduit un amendement créant une “Commission des recours”. À l’origine de cet amendement, Daniel Mayer est initialement partisan du maintien d’une protection internationale, jugée plus indépendante. Maurice Schumann, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, défend avec succès le principe d’une gestion nationale de la protection des réfugiés.

Rapporteur du projet au Sénat, Michel Debré déplore la création d’un organisme en référence à une convention que le Gouvernement n’a pas encore ratifiée – elle le sera en 1954. Mais il se montre favorable à l’esprit du texte et notamment à l’idée d’une commission des recours. Selon lui, il s’agit d’une juridiction à caractère administratif dont les décisions sont soumises au contrôle de cassation du Conseil d’État.

Une identité fluctuante

La juridiction n’est citée ni dans le titre de la loi du 25 juillet 1952, ni dans celui du décret du 2 mai 1953. Son appellation exacte a évolué : “Commission des recours” dans le texte fondateur, elle s’est intitulée, à l’usage, “Commission des recours des réfugiés et apatrides”, puis “Commission de recours des réfugiés” puis “Commission des recours des réfugiés”, avant de prendre sa dénomination actuelle en 2008 : “Cour nationale du droit d’asile”.

Une juridiction nouvelle, dotée de moyens modestes

A l’origine, la Commission des recours des réfugiés est composée de trois membres : un président, conseiller d’Etat, un représentant du haut commissariat aux réfugiés et un représentant du conseil d’administration de l’OFPRA.

La double compétence de la commission

Chargée de statuer sur les recours formulés par les étrangers et les apatrides auxquels l’Office aurait refusé de reconnaître la qualité de réfugié, elle est soumise au contrôle de cassation du Conseil d’État. Elle présente l’originalité d’être la seule juridiction française où siège avec voix délibérative le représentant d’une organisation internationale.

Les rapporteurs sont désignés en tant que de besoin parmi les membres du Conseil d’Etat ou éventuellement parmi les magistrats de l’ordre judiciaire. Les séances se tiennent au Palais-Royal, dans une des salles de réunion du Conseil d’Etat.

Dans sa décision Paya Monzo du 29 mars 1957, le Conseil d’État confirme le caractère juridictionnel de cette instance. La commission a été également dotée d’une compétence consultative. Elle est chargée d’émettre un avis sur le maintien ou l’annulation de décisions d’expulsion ou d’assignation à résidence prises par le ministère de l’Intérieur pour des raisons d’ordre public. Dans ce domaine, le recours est suspensif. Dans les premières années de son fonctionnement, la Commission est saisie de nombreuses demandes d’avis.

La première équipe

Le fonctionnement de la nouvelle juridiction est assumé de manière partagée (décret du 2 mai 1953). Un attaché administratif désigné par le Vice-président du Conseil d’Etat est chargé du secrétariat, tandis que le directeur de l’Office met à sa disposition le personnel d’exécution. De manière surprenante, jusqu’en 2008, les moyens dont dispose la commission dépendent de l’institution dont elle juge les décisions.

Désigné le 8 juin 1953, André Heilbronner est président de la commission pendant près de vingt-cinq ans. Jacqueline Terrel, ancienne collaboratrice de René Cassin au Comité juridique à Alger, assure le secrétariat de la commission pendant toute cette période. Aucun membre de l’équipe initiale ne se consacre de manière permanente à la commission. La stabilité du nombre des recours permet à la juridiction de conserver cette souplesse de fonctionnement jusqu’à la fin des années 1970.

Une activité juridictionnelle stable pendant 25 ans

La commission tient sa première séance le 30 juillet 1953. Elle rend cinq décisions, dont une annulation, et sept avis. A l’exception de l’année 1956, pendant un quart de siècle, son activité reste assez modeste. Le nombre de recours déposés tout comme le nombre de décisions rendues n’excède pas une moyenne de 300 par an.

Les premiers recours

La demande espagnole est majoritaire. A la suite de la guerre civile et de l’instauration du régime franquiste, 500 000 Espagnols ont franchi les Pyrénées pour se réfugier en France. Plusieurs retournent dans leur pays pour des raisons familiales et contestent le retrait de leur qualité de réfugié qui intervient alors.                                                                                                                  

En 1956, la commission reçoit plus de 1100 recours, très probablement en raison d’un afflux de décisions que l’OFPRA a été conduit à prendre à la suite de la ratification par la France de la convention de Genève.

Les autres demandes sont formulées par des ressortissants de pays d’Europe de l’Est, en particulier des Polonais et des Yougoslaves. Ces derniers bénéficient, dans les années 1960, de facilités de retour dans leur pays, ce qui leur fait perdre la qualité de réfugié et entraîne de nombreux contentieux. On observe également quelques rares cas allemands et hongrois.

En 1961, la commission publie pour la première fois un recueil de jurisprudence, avec le soutien du Haut commissariat aux réfugiés. Il est préfacé par René Cassin qui souligne le “puissant mouvement favorable à la sauvegarde de la dignité humaine et au respect universel des droits de l’homme”.

La première crise

A une époque où les conflits se multiplient dans le monde et où l’immigration devient moins facile, la question de l’accueil des réfugiés prend une ampleur nouvelle.

L’élargissement du champ de la protection des réfugiés

En avril 1971, la France ratifie le protocole de New-York qui supprime les limites temporelles et géographiques initialement fixées. A partir de 1976, le nombre de recours reçus par la commission commence à augmenter, notamment en raison de l’émergence de demandes de ressortissants de pays non européens comme la Guinée, l’Algérie ou le Pakistan.

L’engorgement en quelques mois

En janvier 1978, Jacques Chardeau est nommé à la tête de la commission. Très rapidement, il exprime au vice-président du Conseil d’État le “souci que lui cause le grand nombre de dossiers en instance” et lui demande de désigner un président suppléant. En l’espace d’une année, entre 1978 et 1979, le nombre de recours est multiplié par quatre. La restriction des autorisations de séjour et de travail incite certains immigrés à faire une demande d’asile. L’instauration d’un régime démocratique en Espagne entraîne le retrait systématique de la qualité de réfugié à plusieurs milliers de ses ressortissants, ce qui génère également de nombreux contentieux. Enfin, dans certains pays comme le Sri Lanka, le Pakistan ou le Zaïre, les conflits ou les crises politiques contribuent à gonfler durablement le flot des demandes.

Tout comme l’OFPRA, la commission est débordée. Dès le printemps 1979, n’ayant pas obtenu les moyens qu’il jugeait nécessaires, Jacques Chardeau envisage de démissionner. Le délai de jugement n’a jamais été aussi long : en janvier 1980, il est de 20 mois.

Des renforts obtenus difficilement

Le gouvernement arrête le principe d’un renforcement de la commission. Il est prévu que plusieurs ministères contribuent à son fonctionnement : la Justice, l’Intérieur, les Affaires étrangères et la Santé. Mais, en pratique, la structure est surtout portée par le Quai d’Orsay.

Afin d’augmenter le nombre de formations de jugement, des sections sont créées par décret du 3 septembre 1980. Toujours composées de représentants du Conseil d’Etat, du Haut commissaire et du conseil de l’OFPRA, elles ne sont plus systématiquement présidées par le président de la commission.

En septembre 1980, André Jacomet succède à Jacques Chardeau. Le secrétariat de la commission quitte le Palais-Royal pour des locaux plus spacieux, rue de la Verrerie à Paris.

La mutation des années 1980

La question de l’asile devient un des axes de la politique gouvernementale.

Une réflexion interministérielle

En septembre 1982, un comité interministériel sur le droit d’asile décide de réformer un dispositif devenu inadéquat. En avril 1983, une délégation interministérielle aux réfugiés est créée et confiée à Daniel Fabre, maître des requêtes au Conseil d’État. Il a pour mission de veiller à la cohérence des actions gouvernementales ainsi qu’à la convergence des initiatives publiques et privées relatives aux réfugiés.

A la demande du Gouvernement, André Jacomet préside un groupe de travail sur les moyens d’accélérer, à l’OFPRA comme à la commission, l’instruction des dossiers les moins fondés. Il préconise aussi la création d’un centre de documentation mutualisé à l’usage de l’OFPRA et de la commission.

Au quotidien, l’activité de la juridiction reste soumise à de fortes contraintes. Le délai moyen de traitement des dossiers est de 18 mois. En juin 1984, un requérant asperge le personnel de gaz lacrymogène. Cet acte sans conséquences humaines entraîne le déménagement de la commission.

Des renforts successifs qui n’empêchent pas l’embolie du système

À partir de 1985, la commission est sensiblement renforcée. Elle bénéficie de six rapporteurs à plein temps, attachés d’administration centrale. Le président Rivière engage la première informatisation de la gestion des recours, ce qui permet à la juridiction de tripler en deux ans le nombre de décisions rendues. Il normalise également la rédaction des décisions par les rapporteurs. Mais l’inexorable essor des demandes, notamment en provenance du Sri Lanka, du Zaïre et de la Turquie, impose à nouveau l’octroi de moyens supplémentaires en 1987.

L’adaptation permanente aux flux et reflux des demandes

L’explosion des recours

En 1990 et 1991, plus de 50 000 recours sont enregistrés. La loi du 2 juillet 1990 ouvre la présidence des sections aux magistrats de la Cour des comptes et aux magistrats administratifs.

La commission s’installe à Fontenay-sous-Bois. Ses effectifs permanents sont multipliés par cinq et le nombre d’audiences passe de 16 à 60 par semaine en six mois.

Malgré l’afflux des recours, la juridiction parvient à en traiter en deux ans plus de 120 000 - les requérants ne sont convoqués que s’ils le demandent - et à maintenir un délai moyen de jugement de deux mois et demi.

Des dispositions sont également prises pour améliorer la qualité des décisions et assurer leur diffusion. Un service de documentation puis un centre d’information contentieuse sont mis en place. Le décret du 3 juillet 1992 crée les sections réunies pour trancher des questions de principe et harmoniser la jurisprudence. Ultérieurement, la juridiction développe un service d’interprétariat.

Une sensibilité accrue au contexte juridique

Dès 1992, la commission perd une soixantaine d’emplois et trois sections. Mais l’amorce simultanée d’une baisse du nombre des recours, liée à la suppression du droit au travail pour les demandeurs d’asile, lui permet d’absorber la mesure sans trop de difficultés.

En application de la loi du 31 juillet 1991, un bureau d’aide juridictionnelle est créé. Son activité n’a cessé d’augmenter, en particulier depuis la suppression de la condition d’entrée régulière sur le territoire français qui a entraîné le triplement des demandes.

En 1994, une mission d’audit menée conjointement par l’Inspection des Finances, des Affaires étrangères et de la juridiction administrative valide l’organisation de la commission. Mais l’année suivante, celle-ci ne parvient pas à maintenir le rythme d’instruction des dossiers, en raison du renforcement de la procédure - les requérants sont systématiquement convoqués aux audiences -, des départs non compensés de certains rapporteurs et de mouvements sociaux au mois de décembre. Le nombre de sections est ramené à cinq. Cependant, en 1997, le nombre des recours est retombé à 13 600, ce qui permet à la commission de juger 80% des affaires dans un délai de trois mois.

Asile politique ou asile économique ?

Certains ressortissants se voient massivement reconnaître la qualité de réfugié en raison des conflits armés dans leur pays d’origine (Sri-Lanka). D’autres présentent des demandes qui reposent davantage sur des considérations économiques. Ils obtiennent rarement satisfaction.

Les réformes de structure

Hauts fonctionnaires et parlementaires au chevet de la commission

Un nouveau rapport d’audit de l’Inspection des Finances, des Affaires étrangères et de la juridiction administrative en 2002 entraîne l’octroi de moyens supplémentaires. L’année 2004 enregistre un second pic historique, avec des demandes de ressortissants de Turquie, Chine, République démocratique du Congo, Mauritanie et Algérie. A la fin de l’année, 48 000 dossiers restent en instance.

Le décret du 14 août 2004 précise la procédure d’asile et conforte l’organisation administrative de la commission. Le mandat du président est fixé à cinq ans. Les effectifs sont renforcés par la création de deux emplois de secrétaires généraux adjoints et le recrutement massif de rapporteurs, ce qui conduit à créer dix divisions supplémentaires. En 2006, une étude sur les perspectives institutionnelles de la commission est confiée à Anicet Le Pors, conseiller d’État.

De la Commission des recours des réfugiés à la Cour nationale du droit d’asile

La Commission des recours des réfugiés, devenue Cour nationale du droit d’asile par la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, est rattachée au Conseil d’État (décret n° 2008-1481 du 30 décembre 2008) depuis le 1er janvier 2009.

En 2009, la création d’emplois de présidents affectés à plein temps a favorisé le développement d’une vie de juridiction.

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