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26 mars 2021

La CNDA affirme sa compétence consultative vis-à-vis des personnes auxquelles le statut de réfugié a été refusé en application de l’article L. 711-6 du CESEDA.

La CNDA a été saisie d’une demande d’avis, au titre de l’article L. 731-3 du CESEDA, sur la conformité aux articles 32 et 33 de la convention de Genève d’une mesure d’éloignement à destination de la Pologne prise à l’encontre d’un ressortissant russe d’origine tchétchène, auquel le statut de réfugié a été refusé en application de l’article L. 711-6 1° du code au motif qu’il existe des raisons sérieuses de considérer que sa présence en France constitue une menace grave pour la sûreté de l’Etat. Une précédente demande de de l’intéressé avait été rejetée par l’OFPRA, en 2015, et par la CNDA, en 2019, au motif qu’il bénéficiait, à l’époque, d’une protection internationale effective en Pologne. La Cour rappelle que si l’intéressé s’était vu reconnaître la qualité de réfugié dans ce pays, les autorités polonaises ont par la suite cessé de lui reconnaitre cette qualité par une décision de janvier 2019, tout en s’opposant à sa réadmission sur leur territoire. Pour affirmer sa compétence consultative dans cette configuration particulière, la Cour a estimé qu’en refusant de lui accorder le statut de réfugié sur le fondement de l’article L. 711-6 1° du CESEDA, l’Office avait implicitement admis que l’intéressé vérifiait les conditions d’éligibilité à la qualité de réfugié prévues par l’article 1er A 2 de la convention de Genève, conformément à l’économie des articles 14(4), (5) et (6) de la directive 2011/95/UE telle qu’interprétée par l’arrêt de la CJUE (GC) du 14 mai 2019 Affaires jointes C-391/16, C-77/17 et C-78/17 et dans la continuité des décisions récentes du Conseil d’Etat (CE 19 juin 2020 Karakaya et OFPRA n° 416032 A) et de la CNDA (CNDA 12 janvier M.M. n° 19048155 C+). Le requérant est donc un réfugié au sens et pour l’application de l’article L. 731-3 précité du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il est rappelé que la CNDA avait précédemment reconnu sa compétence consultative dans l’hypothèse symétrique des personnes dont le statut de réfugié a été révoqué sur le fondement de l’article L.711-6 du CESEDA (CNDA (avis) 14 février 2020 M. T. n°20002805 C+).

la Cour a par ailleurs rappelé, que le refoulement d’un réfugié se trouvant dans les hypothèses prévues par l’article L.711-6 du CESEDA ne peut intervenir que sous réserve du respect des articles 4 et 19§ 2 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui interdisent en des termes absolus la torture ainsi que les peines et les traitements inhumains ou dégradants de même que l’éloignement vers un Etat où il existe un risque sérieux qu’une personne soit soumise à de tels traitements. S’agissant du cas d’espèce, le juge de l’asile a estimé que le seul fait que le requérant n’était plus reconnu réfugié en Pologne ne permettait pas d’en déduire que sa vie ou sa liberté y serait menacé pour l’une des raisons visées à l’article 1er A 2 de la convention de Genève ou qu’il y serait soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Mais, tenant compte du refus exprimé par les autorités polonaises de réadmettre l’intéressé sur le territoire polonais et du fait que la qualité de réfugié ne lui était plus reconnue par cet Etat, la Cour a estimé nécessaire de s’assurer que ces autorités s’abstiendront de toute mesure d’éloignement en direction de la Russie. En effet, les craintes de persécution vis-à-vis de la Russie résultant de la dernière décision de l’OFPRA, imposent à la France de veiller à ce qu’il ne soit pas dérogé, de façon directe ou indirecte, au principe de non-refoulement garanti ensemble par l’article 33 de la convention de Genève, les articles 4 et 19 § 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La Cour émet ainsi un avis de conformité sous réserve de l’obtention par les autorités françaises d’assurances en ce sens (CNDA avis 10 mars 2021 M. G. n° 20043175 C+).

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