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17 octobre 2023

La CNDA octroie le bénéfice de la protection subsidiaire à une ressortissante de la République démocratique du Congo (RDC) menacée par un réseau transnational de traite basé au Nigeria dont elle est parvenue à s’extraire.

Après avoir accepté une offre d’emploi d’hôtesse d’accueil auprès d’une entreprise congolaise localisée au Nigéria, l’intéressée a été contrainte par la force de se prostituer au sein d’une concession au Nigéria, puis à Chypre nord. Elle a ensuite subi des sévices de la part de membres de ce réseau pour avoir exprimé son désaccord, avant de rejoindre la France où elle a pu porter plainte. En l’espèce, la circonstance que l’intéressée possède la nationalité congolaise ne permet pas de penser qu’elle pourrait bénéficier d’une protection effective contre les représailles du réseau qu’elle a dénoncé, compte tenu de son isolement et de sa vulnérabilité dans son pays d’origine.

Suivant la ligne jurisprudentielle prévalant en la matière, la Cour juge que les craintes exprimées par la requérante ne se rattachent pas à son appartenance à un certain groupe social, mais à des atteintes graves au sens de l’article L. 512- 1, 2 ° du CESEDA. En effet, les seuls groupes sociaux basés sur l’expérience commune d’avoir été soumise à la traite des êtres humains à des fins de prostitution qui ont été identifiés à ce jour concernent les femmes originaires des Etats d’Edo et du Delta au Nigeria, en raison non seulement de l’ampleur et du degré d’organisation de cette activité dans ces zones mais aussi des éléments rituels et coutumiers spécifiques qui lient les recrues au réseau.

L’absence de tels éléments en RDC, où l’expérience de la traite n’apparait pas comme faisant l’objet d’un regard spécifique de la part de la société, et où l’exploitation sexuelle des jeunes femmes par des réseaux organisés demeure un phénomène ponctuel qui ne revêt pas la dimension d’une norme, comme dans les régions précitées du Nigeria, explique que les femmes congolaises s’étant extraites d’un réseau de prostitution ne constituent pas un groupe social au sens de l’article 1er, A, 2 de la convention de Genève, éclairé par l’article 10 de la directive 2011/95/UE. Dans cette affaire, bien que le réseau d’exploitation soit d’origine nigériane, l’intéressée n’a pas été recrutée selon les modalités ritualisées mises en lumière dans les cas nigérians.

Cette décision illustre également l’existence de parcours de sortie de la prostitution mis en place en France afin de protéger et d’accompagner les victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. (CNDA 12 septembre 2023 Mme S. n°22059173 C)

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