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27 janvier 2015

CNDA 11 décembre 2014 M. M. n° 14009992 C

Bangladesh - Enclave - Nationalité bangladaise - Craintes non fondées - Rejet

Considérant que, pour demander la reconnaissance de la qualité de réfugié ou, à défaut, le bénéfice de la protection subsidiaire, M. M., enregistré par les services préfectoraux comme étant de nationalité bangladaise, soutient qu’il est dans une situation d’apatridie ; qu’originaire d’une enclave bangladaise, il n’est reconnu ni par les autorités bangladaises ni par les autorités indiennes ; que de 1995 à 2004, il a vécu à Dacca où il a notamment travaillé pour une société nommée The Azad Color & Co ; qu’à partir de 2004, il est retourné vivre dans son enclave puis a travaillé quelque temps dans la ville de Silivari en Inde ; qu’une nouvelle fois de retour dans l’enclave, il a milité pour une association de défense des droits des habitants des enclaves nommée Sit Mohom Mukti Andolon Porishad et pour laquelle il a été le secrétaire à la propagande ; que le 16 décembre 2010, il a été faussement accusé de meurtre à la suite d’une manifestation ayant eu lieu dans le district de Kurigram au Bangladesh ; qu’il est alors entré en clandestinité ; que craignant pour sa sécurité, il a fui en août 2011 ;

 

Considérant, en premier lieu, que les propos de l’intéressé concernant la localisation de l’enclave bangladaise dont il se dit originaire, ont été confus et peu compréhensibles ; qu’en effet, alors que dans sa demande initiale et dans son recours, il a affirmé être né et avoir vécu plusieurs années dans une enclave bangladaise en Inde, il est revenu sur ses propos lors de l’audience publique en déclarant qu’il était originaire d’une enclave bangladaise se situant dans une enclave indienne au Bangladesh ; que par ailleurs, il apparait surprenant qu’après avoir vécu de 1995 à 2004 à Dacca sans problèmes significatifs, il ait décidé de revenir habiter dans son enclave tout en connaissant les difficiles conditions de vie sur ce territoire ;

 

Considérant, en deuxième lieu, que, dans l’attente de l’échange effectif des chitmahals (enclaves) entre l’Inde et le Bangladesh selon le principe posé par l’India-Bangladesh Land Boundary Agreement 1974, les chitmahals bangladais en Inde ainsi que les chitmahals bangladais se situant eux-mêmes dans des enclaves indiennes au Bangladesh, demeurent des territoires appartenant au Bangladesh ; qu’en vertu des dispositions de la Constitution bangladaise (art.6-1), la nationalité bangladaise est déterminée et régie par la loi ; que le décret n° 1038 du 15 décembre 1972 amendant le Citizenship Act de 1951 (Act n°II) mentionne : « (…) Est réputée être un ressortissant du Bangladesh, toute personne I) Née ou dont le père ou le grand-père est née sur les territoires faisant aujourd’hui partie du Bangladesh, qui y résidait de façon permanente au 25 mars 1971 et continue d’y résider à ce jour ; II) Qui résidait de façon permanente sur les territoires faisant aujourd’hui partie du Bangladesh, au 25 mars 1971, continue d’y résider à ce jour et qui n’est pas exclue du bénéfice de la qualité de Bangladais en vertu d’une loi actuellement en vigueur (…) »; qu’aucune disposition de la législation bangladaise n’exclut les chitmahals du champ d’application du Citizenship Act ; qu’ainsi, quels que soient les problèmes et difficultés rencontrés par les habitants de ces enclaves, ceux-ci sont, sauf preuve contraire, des citoyens bangladais ; que tel est en particulier le cas de M. M. , né sur le territoire bangladais de parents qui y sont eux-mêmes nés ; que, par suite, les craintes de M. M.. doivent examinées à l’égard du Bangladesh, pays dont il a ou est susceptible d’avoir la nationalité ; qu’en outre, il verse à son dossier un acte de naissance mentionnant sa nationalité bangladaise ; que de plus, il apparaît surprenant qu’à supposer qu’il soit originaire d’une enclave bangladaise, il n’ait pas pu obtenir d’autres documents d’identité comme il l’affirme durant les neufs années passées à Dacca, où il a par ailleurs, effectué une partie de sa scolarité ; que de surcroît, ses déclarations relatives aux démarches entreprises vis-à-vis des autorités bangladaises ont été très peu étayées et très peu circonstanciées ;

 

Considérant, en troisième lieu, que ses déclarations relatives aux actions de l’association de défense des droits des habitants des enclaves ont été sommaires et très peu personnalisées ; qu’il en va de même concernant la manifestation à laquelle il dit avoir participé le 16 décembre 2010 et qui a provoqué son implication dans une affaire controuvée pour meurtre ; que l’ensemble des documents judiciaires qu’il produit, à savoir le dépôt de plainte, le premier rapport d'information, deux ordonnances, l’acte d'accusation et le jugement en date du 27 mai 2014 ne peuvent pallier l’insuffisance de ses propos ; que l’attestation du président de l’organisation Sit Mohom Mukti Andolon Porishad attestant de sa qualité de secrétaire à la propagande et l’informant de sa condamnation à la prison à la perpétuité dans cette affaire de meurtre ainsi que les courriers de son père et de son avocat, ne peuvent, à eux seuls et en l’absence de déclarations convaincantes qui les corroborent, suffire à établir la réalité des faits allégués ; que, par suite, ni les déclarations faites devant la cour ni aucune pièce du dossier ne permettent de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées au regard tant des stipulations du 2 du A de l’article 1er de la Convention de Genève que de l'article L 712-1 du CESEDA ; que, dès lors, le recours doit être rejeté ;

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