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27 janvier 2015

CNDA 20 novembre 2014 M. C. n° 14017495 C

Mauritanie - « Touche pas à ma nationalité » - Opinions politiques - Craintes fondées - Reconnaissance de la qualité de réfugié

Considérant qu’il ressort du rapport de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) intitulé « Critiquer la gouvernance : un exercice risqué » publié le 22 novembre 2012 ou encore du rapport de mission en République Islamique de Mauritanie du 1er au 8 mars 2014 organisé par l’OFPRA, que le mouvement « Touche pas à ma nationalité » (TPMN), non reconnu par l’Etat et dirigé par Abdoul Birane Wane, a été créé en 2011 pour porter les revendications des Négro-mauritaniens exclus du recensement auprès des autorités, en élargissant toutefois à partir de mars 2012 sa contestation à la lutte contre toutes les discriminations ; qu’il comprend plusieurs cellules chargées de relayer les informations mais  qu’il n’a ni siège ni locaux officiels ; que ces mêmes documents, ainsi que le rapport annuel d’Amnesty International publié le 24 mai 2012 ou encore celui de Minority Rights Group International intitulé « World Directory of Minorities and Indigenous Peoples » d’avril 2013, mentionnent l’organisation, parfois en étroite concertation avec des partis politiques autorisés et surtout entre juillet 2011 et février 2012, de multiples manifestations souvent violentes à Nouakchott puis dans plusieurs villes du Sud du pays ; qu’elles ont été violemment réprimées par les forces de l’ordre, qui ont arrêté des militants pour les détenir entre quelques heures à quelques jours sur le fondement des troubles provoqués, en leur faisant parfois subir des sévices ; que le président et les membres du bureau de cette association font l’objet de pressions, y compris judiciaires ou économiques, mais que la simple appartenance à ce mouvement n’induit pas à elle seule des persécutions, arrestations et détentions, y compris lorsqu’il s’agit de militants actifs ;

 

Considérant que M. C., de nationalité mauritanienne, a eu des déclarations  particulièrement précises et circonstanciées, notamment en audience publique, sur les actions qu’il a menées et les persécutions dont il a été victime ;  qu’il a été interpellé en mars 2001 dans le cadre d’une manifestation contre l’expulsion temporaire d’élèves negro-mauritaniens, puis, alors qu’il avait rejoint l’université de Nouakchott en 2007, a été interpellé à nouveau et gardé à vue au cours d’une manifestation devant le ministère de l’éducation nationale mauritanien ; qu’il a ensuite participé à la création d’une association étudiante nommée « Club Consensus Estudiantin » pour favoriser les échanges entre élèves issus de différents groupes ethniques à l’université, mais a été arrêté le 24 mars 2010, lors d’une manifestation contre un projet d’arabisation de l’éducation supérieure, et détenu pendant deux jours ; qu’il a enfin rejoint le mouvement « Touche pas à ma nationalité » (TPMN), prenant alors part à plusieurs manifestations et sit-in organisés par son coordinateur, M. Abdoul Birane Wane ; qu’il a alors été interpellé une troisième fois, le 29 juillet 2013, au cours d’une marche de protestation, et qu’il a été conduit au commissariat où il avait été précédemment détenu ; qu’il a été reconnu et violemment battu par des policiers, avant d’être placé en cellule individuelle, ses déclarations étant d’ailleurs corroborées par le certificat médical de compatibilité versé à son dossier, daté du 8 août 2014, qui relève la présence de nombreuses cicatrices sur le corps du requérant ; que ses explications détaillées ont permis de tenir pour établi que son état de santé s’est dégradé, et qu’il a été transféré à l’hôpital au bout de quelques jours ; qu’il est parvenu à prendre la fuite et à rejoindre Nouadhibou, d’où il a pu quitter la Mauritanie par voie maritime, le 4 septembre 2013, pour rejoindre l’Espagne, puis la France ; que dans ces conditions, il craint avec raison, au sens des stipulations précitées de la Convention de Genève susvisée, d’être persécuté par les autorités étatiques mauritaniennes  en cas de retour dans son pays, en raison de ses opinions politiques ; que dès lors, M. C. est fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié ;

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