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15 décembre 2014

CNDA 27 octobre 2014 M. E. n° 14016605 C

Exclusion du bénéfice de l’asile - Crime contre l’humanité - Cote d’Ivoire - Milice patriotique - Rejet

Considérant que, pour demander la reconnaissance de la qualité de réfugié ou, à défaut, le bénéfice de la protection subsidiaire, M. E., de nationalité ivoirienne, soutient qu’il craint d’être persécuté en cas de retour dans son pays ; qu’il a été membre de la Fédération estudiantine et scolaire de la Côte d’Ivoire (FESCI) durant ses études ; qu’il a intégré le Groupement des combattants pour la libération de la Côte d’Ivoire (GCL-CI) en 2007 à Toumodi dans l’espoir d’intégrer l’armée ivoirienne ou les forces de police ; que, pendant deux ans, il a suivi plusieurs formations militaires et sportives à Toumodi, Yamoussoukro et Abidjan ; que, de 2007 à 2008, il a participé à des patrouilles de surveillance dans sa localité et a protégé des maisons appartenant à des cadres du Front populaire ivoirien (FPI) ; qu’au cours de l’année 2008, lors de différents séjours à Abidjan au camp Biabou II, il a participé à la collecte de renseignements concernant la présence de jeunes Dioulas dans la commune d’Abobo ; que dans le cadre de la mise en œuvre des accords de Ouagadougou, les activités de son groupe ont diminué ; qu’il a participé à une cérémonie de démobilisation des membres de son groupement organisée sous l’égide de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUSCI) en février 2008 et  a reçu une carte « Démobilisation et désarmement des miliciens » ; qu’en pratique, le désarmement n’a été qu’une façade ; que les membres du GCL-CI continuaient à se réunir périodiquement et à s’entraîner ; qu’au début de la crise présidentielle de 2010, le GCL-CI s’est reconstitué : qu’à la suite de troubles survenus dans sa localité et sur les ordres de son supérieur hiérarchique, les membres de son groupe ont rejoint la capitale le 5 ou 6 décembre 2010 ; qu’ils se sont établis au camp Biabou II puis, sur les ordres du commandant Zan Bi, à Cité Rouge aux côtés des Forces de défense et de sécurité (FDS) et d’autres milices ; qu’au cours du mois de décembre 2010, il a participé à des contrôles routiers sur un barrage posté au carrefour de la vie à Cocody ; que le 11 décembre 2010, notamment, il a participé à l’arrestation de trois dozos armés ; que le 16 décembre 2010, il a participé à la répression de la manifestation des pro-Ouattara devant la Radio télévision ivoirienne (RTI) ; qu’en janvier 2011, il a continue à participer à des contrôles routiers ; que, le même mois, il a sollicité et obtenu la délivrance d’un passeport ; que fin janvier ou début février 2011, constatant que la situation devenait critique, que les membres de l’armée régulière refusaient de se battre et que les membres de son groupement risquaient d’être appelés pour assurer la protection de la résidence de Laurent Gbagbo, il s’est réfugié chez un ami ; que craignant pour sa sécurité, il a décidé de quitter son pays le 4 février 2011 ; qu’en cas de retour en Côte d’Ivoire, il craint d’être arrêté dès son arrivée à l’aéroport, son nom ayant été inscrit par le ministère de la Défense de l’époque sur les listes des miliciens démobilisés ; qu’il serait également identifié par les partisans d’Alassane Ouattara en cas de retour dans son quartier à Toumodi ; que le directeur général de l’OFPRA ne pouvait le priver du bénéfice de la qualité de réfugié et appliquer la clause d’exclusion prévue à l’article 1 F c) dès lors qu’il nie avoir participé à des opérations de dénonciation auprès de l’armée de Dioulas suspectés d’être en lien avec la rébellion du Nord ; qu’il était informé de ces agissements mais qu’il n’y a pas pris part personnellement ; que les chiffres donnés sur le nombre exact de personnes interpellés à Abidjan au cours de l’année 2008 ne sont que des rumeurs ; que de surcroît, il habitait à cette époque dans la commune de Toumodi ; qu’en ce qui concerne sa participation à des missions de contrôle à des barrages routiers entre les mois de décembre 2010 et janvier 2011, il était accompagné par d’autres membres du GCL-CI, des militaires et des habitants en civil du quartier ; qu’il n’a jamais été armé et qu’il n’a blessé personne ; que seuls des dozos ont été arrêtés à la suite de la fouille de leur véhicule qu’il a lui-même effectuée ; que s’agissant des faits survenus le 16 décembre 2010 devant la RTI, contrairement aux informations de l’Office, des sources plurielles, convergentes et fiables, notamment l’article « Manifestation pro-Ouattara » paru le 16 décembre 2010 sur le site Internet rue89, font état de chiffres divergents sur le nombre de morts occasionnés par les affrontements et sur leur couleur politique ; que s’il était bien présent ce jour-là, il n’était pas muni d’armes à feu mais uniquement de gaz lacrymogène ; que le seul fait qu’il ait appartenu à une milice et qu’il était présent lors de certains heurts ne justifie pas qu’il soit l’auteur de crimes de nature à ce qu’il soit exclu de la protection demandée ; qu’il n’était pas en mesure de se désolidariser des agissements de son groupe paramilitaire et il a quitté son pays dès qu’il a pu le faire ;

 

Sur les craintes de persécutions :

Considérant qu'aux termes des stipulations du paragraphe A, 2° de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » ;

 

Considérant en premier lieu, que M. E. a déclaré, tant lors de ses entretiens à l’OFPRA qu’au cours de son audition par la cour, qu’il était membre de la FESCI ; que s’il s’est défendu d’en avoir été un membre actif, il a indiqué qu’il fréquentait régulièrement les membres de la fédération de l’Université de Cocody et qu’il participait aux manifestations organisées par le mouvement ; qu’il n’ignore pas la réputation de ce mouvement, à savoir que la FESCI est un mouvement violent proche du pouvoir déchu et soupçonné d’avoir été le bras armé de Laurent Gbagbo aux côtés d’autres milices armées patriotiques dirigés par Charles Blé Goudé ; que selon le rapport de la Commission d’enquête internationale sur les allégations de violations des droits de l’homme en Côte d’Ivoire du 25 mai 2004, et le Situation report n°32 sur la Côte d’Ivoire du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, ces milices patriotiques ont participé aux côtés des forces de sécurité à des exactions perpétrées en toute impunité à l’encontre des Dioulas ; qu’il a exposé en des termes constants ses motivations à intégrer les rangs du GCL-CI, démarche facilitée par sa proximité avec la FESCI ; qu’il a notamment déclaré qu’en rejoignant le groupement, son objectif était d’obtenir du travail et d’intégrer l’armée régulière ou les forces de sécurité ; qu’à l’attrait matériel et économique suscité par l’adhésion au GCL-CI, le requérant a également démontré qu’il épousait l’idéologie prônée par l’organisation ; qu’il a déclaré soutenir la politique menée par le FPI et qu’il était prêt à défendre Laurent Gbagbo considérant que le Nord du pays était occupé par des rebelles financés par Alassane Ouattara ; qu’il a évoqué les modalités de son inscription auprès du représentant local de l’organisation, le commandant Kossy, en des termes précis, expliquant s’être inscrit sur un registre, avoir donné une photographie et payé une somme d’argent avant que sa demande ne soit envoyée à Abidjan au commandant Zan Bi, un proche de Charles Blé Goudé ; que la note de l’OFPRA « Le Groupement de combattants pour la libération de la Côte d’Ivoire » du 15 avril 2013, versée au dossier, corrobore les déclarations de l’intéressé, s’agissant des noms, fonctions et rang hiérarchique des différents responsables du GCL-CI ; qu’il a évoqué les formations militaires et sportives qu’il a suivies à Toumodi, Yamoussoukro et à Abidjan en des termes étayés et développés ; que la source précitée indique que les membres de la milice étaient effectivement entraînés par des membres de l’armée régulière et qu’ils portaient la même tenue militaire ; que si M. E. a déclaré que les miliciens devaient acheter eux-mêmes leurs armes – ce qu’il n’a pas fait –, ses déclarations apparaissent peu vraisemblables eu égard aux propos tenus par le responsable de son organisation, le commandant Zan Bi alias général Willy, lequel a déclaré au journal Nord-Sud le 9 janvier 2008 que « Aucune arme dans l’arsenal dont disposent les forces régulières n’a de secret pour nous » ; qu’au regard des déclarations de l’intéressé et des liens unissant son groupement au FPI, la cour a pu tenir pour établis la participation du requérant à des patrouilles de surveillance dans la ville de Toumodi et le fait qu’il ait surveillé des maisons appartenant à des cadres du parti ; que les activités menées par M. E. pour le compte du GCL-CI à Abidjan au cours de l’année 2008 s’inscrivent dans un contexte crédible et confirmée par les sources publiques consultées, notamment l’article intitulé « A Abidjan : les ex-milices en Côte d’Ivoire à la veille des élections présidentielles » et diffusé sur le site Africultures.com en 2010, lequel indique que les membres du groupement accomplissaient des tâches de renseignement et de sécurité pour le compte des autorités ; qu’il a donné de nombreux détails sur le déroulement des opérations, sa présence au côté des militaires et le sort des personnes interpellées ; qu’il a également évoqué en des termes tout aussi précis les raisons pour lesquelles les membres de la milice se sont rassemblés au début de la crise électorale, tant par conviction idéologique que par crainte pour leur sécurité dès lors qu’ils étaient clairement identifiés en tant que proches de Laurent Gbagbo ; que ses déclarations concernant les événements survenus à Abidjan et sa participation à des actions de « surveillance » entre décembre 2010 et janvier 2011 ne permettent pas de douter de sa présence dans la capitale ; que, dès lors, la cour a pu tenir pour établis ses liens avec les membres de la FESCI et son engagement dans les rangs du GCL-CI ;

 

Considérant en second lieu, qu’il résulte de la documentation publique disponible, notamment du rapport de mission en Côte d’Ivoire de l’OFPRA et de la cour de mai 2013, que durant la crise postélectorale « certains miliciens se sont rendus coupables d’exactions à l’encontre de civils à Abidjan et dans l’Ouest du pays. La situation actuelle de ces miliciens est variable. Certains d’entre eux sont emprisonnés, tandis que d’autres demeurent en liberté en Côte d’Ivoire. Parmi ceux-ci, certains vivent cachés par crainte de poursuites judiciaires ou de représailles. Enfin, un certain nombre de ces miliciens s’est exilé à l’étranger » ; que, s’agissant des militants du FPI auxquels le requérant pourrait être assimilé, le rapport souligne que « les membres de ce parti font l’objet de défiance et de suspicion depuis la fin de la crise postélectorale » ; que, selon le rapport d’Amnesty International de juillet 2011, « Nous voulons rentrer chez nous, mais nous ne pouvons pas », Insécurité et personnes déplacées en Côte d’Ivoire : une crise persistante », les membres des Forces républicaines de Côte d’Ivoire ont des informateurs et disposent d’une liste de noms de militants du FPI et plusieurs cas d’enlèvements et d’exécutions extrajudiciaires ont été recensés en 2012 et 2013 sur la base d’opinions politiques réelles ou imputées liées à l’origine ethnique ou géographique des personnes en cause ; que les démarches de réconciliation initiées par le président Ouattara peinent à aboutir, en raison notamment des arrestations et détentions arbitraires de militants pro-Gbagbo ; que selon les articles parus dans Le Monde le 11 septembre 2014 et sur le site Internet NewsAdibjan le 1er octobre 2014, la Commission dialogue, vérité et réconciliation mise en place en juillet 2011 fait l’objet de vives critiques par la population notamment en ce que seuls des proches de l’ancien président Gbagbo ont été poursuivis jusqu’à présent et en raison de son manque de publicité ; que selon un représentant de la Fédération internationale des Droits de l’homme (FIDH) consulté à l’occasion de la mission de l’OFPRA et de la cour en Côte d’Ivoire, l’instrumentalisation de la justice est évident, l’appareil judiciaire est partial et la corruption des magistrats est une réalité ; que le rapport de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture pour l’année 2014 indique que le recours aux détentions dans des sites non officiels a favorisé l’emploi de la torture et que les personnes soupçonnées de vouloir comploter contre le régime en place sont particulièrement exposées à la torture ; qu’au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que M. E. craint avec raison d’être persécuté en cas de retour en Côte d’Ivoire du fait de ses opinions politiques au sens des stipulations précitées de la Convention de Genève ;

 

Sur l’exclusion :

Considérant qu’aux termes de l’article 1.F de la Convention de Genève, « les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ; / b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées ; / c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies » ;

 

S’agissant de l’application de l’article 1, F, b de la clause d’exclusion :

Considérant que M. E. a expliqué de façon détaillée devant l’Office son rôle dans la collecte d’informations et le modus operandi employé par les militaires ivoiriens, lesquels procédaient à des arrestations en-dehors de tout cadre judiciaire ; qu’il a notamment indiqué qu’il était présent dans les véhicules de l’armée pour indiquer aux militaires les lieux où se trouvaient les hommes recherchés, lesquels étaient arrêtés sur la base de ses informations ; qu’il a également précisé que ces opérations se déroulaient sur des périodes de deux à trois semaines et qu’il y a participé tout au long de l’année 2008 ; que l’organisation, le caractère répétitif des actions menées ainsi que le nombre de personnes arrêtées sur la base de ses informations – entre cinquante et soixante-dix selon ses déclarations – ne permettent pas de supposer ni que le requérant ait été contraint d’y participer, ni qu’il n’avait pas conscience du sort réservé aux personnes enlevées ; qu’interrogé à ce sujet, il a clairement indiqué que les personnes étaient emmenées encagoulées dans la forêt et que plusieurs d’entres elles perdaient la vie ; qu’il a notamment été en mesure de préciser où les dépouilles des victimes étaient enfouies, allant jusqu’à donner le nom du lieu dédié ; que, de fait, plusieurs charniers ont été découverts à Abidjan au cours ou à l’issue du conflit ; que dans sa note de situation sur la Côte d’Ivoire de janvier 2011 n°554f, la FIDH relevait que la division des droits de l’Homme de l’ONUCI avait été d’empêchée d’accéder aux lieux où auraient été commises des atrocités et de procéder à des enquêtes concernant, notamment, des allégations sur l’existence de charniers à Abidjan ; qu’en dépit des dénégations faites à l’appui de son recours et lors de l’audience publique, les déclarations de M. E. lors de ses entretiens à l’Office ont été précises et circonstanciées concernant sa participation à la dénonciation et à l’enlèvement de jeunes Dioulas au cours de l’année 2008 ; que la participation du requérant, sous couvert de son appartenance au GCL-CI, à la dénonciation et à l’enlèvement de personnes au cours de l’année 2008 ayant abouti à des exécutions constituent des infractions qualifiables de crimes graves de droit commun au sens des stipulations précitées de la Convention de Genève ; qu’il y a lieu, dès lors, de faire application de l’article 1, F, b de la Convention de Genève précité ;

 

S’agissant de l’application de l’article 1, F, a de la clause d’exclusion :

Considérant, d’une part, que le Conseil de sécurité des Nations Unies dans ses deux résolutions du 30 mars 2011 et du 27 juillet 2011 (résolutions 1975 (2011) et 2000 (2011)) a qualifié la crise postélectorale en Côte d’Ivoire de « conflit armé » et a condamné les multiples violations du droit international humanitaire, du droit international des doits de l’homme et du droit international des réfugiés ; que le rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Côte d’Ivoire du 8 juin 2011 précité a désigné les milices liées aux Jeunes patriotes ou « galaxie patriotique », dont fait partie le GCL-CI, comme étant l’une des forces en présence au cours de la crise postélectorale ; que la Commission a considéré notamment que les « crimes graves tels les meurtres et viols ayant eu lieu lors des attaques généralisées et systématiques contre des populations ciblées sur la base de leurs sympathies politiques supposées ou de leur appartenance ethnique pourraient constituer des crimes contre l’humanité. Dans ce cadre, la Commission a relevé en particulier les attaques des éléments FDS avec des miliciens et mercenaires alliés contre les populations de quartiers d’Abobo et de Yopougon à Abidjan » ; qu’il y a lieu de relever que le 21 décembre 2011, la Chambre préliminaire III de la Cour pénale internationale a délivré un mandat d’arrêt à l’encontre de M. Blé Goudé, lequel est poursuivi pour quatre chefs de crimes contre l’humanité pour des faits commis entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011 ; que le 12 juin 2014, la Chambre préliminaire I a confirmé les charges portées contre Laurent Gbagbo pour crimes contre l’humanité ; qu’au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a des raisons sérieuses de penser que des crimes contre l’humanité ont été commis durant la crise postélectorale en Côte d’Ivoire dans le cadre d’un conflit armé ;

 

Considérant, d’autre part, que lors de ses entretiens à l’Office, le requérant a indiqué à plusieurs reprises que Charles Blé Goudé dirigeait l’organisation et le fonctionnement du GCL-CI ; que lors de la crise postélectorale, en janvier 2011, M. Blé Goudé avait conseillé aux membres de son groupe présents à Cité Rouge de fuir en direction du Ghana ; qu’en ce qui concerne les faits survenus à Abidjan au cours de la crise postélectorale, il a indiqué le lieu où il était posté, les différentes forces en présence ainsi que le profil des personnes ciblées ; qu’il a également affirmé que les personnes suspectées étaient confiées aux militaires et qu’il n’ignorait pas qu’elles étaient exposées à une exécution extrajudiciaire ; que les propos du requérant sont confirmés par le rapport de Human Rights Watch (HRW), « Ils les ont tués comme si de rien n’était », publié en octobre 2011 lequel fait état des exactions commises par des membres des milices pro-Gbagbo lors de la période et sur le lieu mentionnés par le requérant ; que s’il a soutenu de façon constante n’avoir jamais tenu d’armes au cours de cette période et de ne s’en être jamais pris personnellement aux personnes interpellées, il a néanmoins reconnu avoir fait usage de la force ; que les termes du recours de l’intéressé selon lesquels il n’était pas armé sur les barrages apparaissent invraisemblables dès lors qu’il était chargé d’arrêter des véhicules transportant des armes et qu’il avait reçu plusieurs formations au maniement des armes ; que cette appréciation est corroborée par l’ensemble des sources précitées qui indiquent que des armes à feux circulaient dans la capitale ; qu’au regard de ces éléments et des déclarations confuses de l’intéressé, il y a de sérieuses raisons de penser que l’intéressé a volontairement minimisé son rôle et l’usage de la violence lors des opérations de contrôle ; que si le requérant a soutenu lors de l’audience qu’il n’était pas posté le 16 décembre 2010 devant les locaux de la RTI mais sur l’avenue adjacente et qu’il n’a pas pris part aux affrontements, ses propos précis et circonstanciés lors de ses entretiens à l’Office sur les forces en présence et les positions de chacun entachent la sincérité de ses déclarations devant la cour et témoignent de sa volonté, à nouveau, de minimiser son rôle ; qu’en toute hypothèse, il est illusoire de soutenir comme il l’a fait que les FDS présentes ce jour avec le soutien des milices pro-Gbagbo se soient contentées de repousser leurs assaillants ; qu’en effet, selon le rapport de HRW précité ainsi que le rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Côte d’Ivoire du Conseil des droits de l’Homme du 8 juin 2011, les miliciens présents ce jour ont fait usage de leurs armes à l’encontre des manifestants ; que le requérant a relativisé l’importance des affrontements et son rôle personnel lors de la journée du 16 décembre 2010 en affirmant ne pas savoir où partaient ses tirs de gaz lacrymogènes ; que si le nombre de victimes a pu différer dans les jours qui ont suivi la journée du 16 décembre 2010, comme en atteste l’article paru sur le site rue89 produit par le requérant à l’appui de son recours, le rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante précité avance le chiffre de 32 morts, tout comme HRW dans son rapport d’octobre 2011 ;

 

Considérant qu’à aucun moment de la procédure, le requérant n’a démontré, ni même soutenu, s’être dissocié du GCL-CI ; qu’au contraire, il a obéi aux ordres de ses supérieurs, de 2008 à février 2011, sans remettre en cause leur légitimité ; que si, lors de ses entretiens devant l’OFPRA, il a réfuté à plusieurs reprises le fait d’avoir lui-même enlevé ou tué des personnes, il a cependant reconnu avoir lui-même assisté et participé à la commission d’exactions tant en 2008 qu’en 2010 ; que lors de son audition par la cour, le requérant s’est borné à nier avoir assisté à des exactions sans toutefois être en mesure de fournir une explication convaincante au regard des réponses développées et argumentées qu’il a données à cet égard à l’OFPRA, lesquelles lui ont été rappelées ; qu’il a déclaré avoir quitté le mouvement en février 2011 par crainte pour sa vie constatant que la situation se dégradait et que l’armée ne soutenait pas les miliciens ; que ce départ ne saurait en aucun cas être assimilé à une dissociation ; qu’il n’a dès lors fourni aucune indication susceptible de considérer qu’il n’a couvert, ni commis ni qu’il n’a été le complice d’aucun crime ; que, dès lors, il existe des raisons sérieuses de penser que l’intéressé s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité au sens des stipulations de l’article 1 F a de la Convention de Genève ;

 

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’exclure M. E. du bénéfice de l’asile en application de l’article 1er, F, b de la Convention de Genève en raison des faits survenus en 2008 et de l’article 1er, F, a du fait des exactions commises au cours de la crise postélectorale en décembre 2010 et janvier 2011 ; que,  par suite, son recours doit être rejeté ;

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