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5 mars 2024

Procédure : est irrecevable le recours en tierce opposition formé contre une décision de protection de la Cour au motif que son instruction porterait atteinte au principe de confidentialité de la demande d’asile.

La Cour a été saisie, par la voie peu fréquente du recours en tierce opposition, introduit en l’espèce par un ressortissant biélorusse voulant contester la protection accordée par la Cour à son enfant mineur, au motif que celle-ci fait obstacle à l’exercice de l’autorité parentale et de son droit de garde sur son enfant en ce qu’elle a pour conséquence de fixer la résidence de celui-ci en France.
En effet, le requérant a assigné son ex-épouse, qui avait quitté unilatéralement la Biélorussie avec leur enfant, devant le juge civil français sur le fondement de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international. Estimant que la décision ultérieure par laquelle la Cour avait protégé son ex-épouse et leur enfant posait la question de la conciliation de la procédure de la convention de La Haye avec la procédure d’asile, le juge de la famille a sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour sur le recours en tierce opposition du père.
Le recours en tierce opposition n’est pas prévu par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) mais par le code de justice administrative (CJA), dont l’article R. 832-1 prévoit que « Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ayant abouti à cette décision ».

Après avoir rappelé qu’elle devait observer toutes les règles générales de procédure « dont l’application n’est pas écartée par une disposition formelle ou n’est pas incompatible avec son organisation », la Cour, réunie en Grande formation, constate tout d’abord que la voie de la tierce opposition, qui permet à des personnes qui n’ont été ni appelées ni représentées à l’instance de contester une décision d’une juridiction administrative lésant leurs droits, est bien une règle générale de procédure.

Soulignant ensuite le devoir de la Cour de garantir la confidentialité des éléments d’information de la demande l’asile, laquelle constitue tant une garantie essentielle du droit constitutionnel d’asile qu’une exigence découlant de la convention de Genève, la décision relève que l’instruction contradictoire d’un recours en tierce opposition jugé recevable implique la communication d’office des pièces de la procédure ayant donné lieu à la décision de protection de la CNDA. L’instruction du recours en tierce opposition étant ainsi fondamentalement incompatible avec le respect de la garantie essentielle de confidentialité des demandes d’asile, la Grande formation de la CNDA juge que la possibilité pour un tiers de contester par la voie de la tierce opposition une décision de la Cour est incompatible avec l’organisation de cette dernière.
Il s’ensuit que le requérant n’était pas recevable à former tierce opposition contre la décision reconnaissant la qualité de réfugié à son ex-épouse et à son fils mineur (CNDA Grande Formation 5 décembre 2023 M. A. n°23031032 R).

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