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Sélection de décisions de la CNDA
Les décisions de la Cour
16 février 2023
La perte du statut de réfugié résultant de l’application de l’article L.511-7 du CESEDA met fin à la protection de l’unité familiale accordée au réfugié.
La grande formation de la Cour était saisie des recours introduits par deux sœurs originaires du Kosovo, résidant en France depuis 2005, dirigés contre les décisions de l’OFPRA cessant de leur reconnaitre la qualité de réfugié qu’elles avaient obtenu par application de principe de l’unité de famille. L’Office a mis fin à la protection des jeunes femmes en conséquence du retrait de statut de réfugié de leurs parents auquel il a procédé en 2019, du fait de la menace grave pour la sûreté de l’Etat que ceux-ci représentent. La Cour a jugé que la perte du statut des parents, qui est sans incidence sur la qualité de réfugiés qui leur demeure acquise, mettait fin à la protection de l’unité familiale accordée aux parents des deux requérantes. La fin de cette protection constituait pour leurs filles un changement significatif et durable dans les circonstances ayant justifié la reconnaissance de leur qualité de réfugiées, au sens de l’article 1er C, 5 de la convention de Genève. La Cour a néanmoins rappelé qu’elle devait apprécier si les intéressées ne devaient pas continuer à bénéficier d’une protection pour un autre motif que ceux pour lesquels elles ont été initialement protégées. Elle a également relevé que la personne ayant obtenu la qualité de réfugié au titre de l’unité de famille est susceptible de continuer à bénéficier d’un titre de séjour si elle a été en situation régulière pendant cinq ans. Au cas d’espèce, la Grande formation a examiné puis écarté le bien-fondé de craintes de persécution vis-à-vis des deux États, le Kosovo et la Serbie, dont les intéressées sont en droit de revendiquer la nationalité (CNDA GF 22 décembre 2022 Mmes S. n°s 22024535 et 22025037 R).
16 février 2023
La CNDA rappelle que le conjoint du réfugié, qui possède la nationalité d’un autre pays dont il peut obtenir la protection, ne peut pas bénéficier du principe de l’unité de famille.
Saisie par une requérante et ses deux filles mineures de nationalité kirghize, la Cour, réunie en grand formation, après avoir estimé que les craintes qu’elles exprimaient en cas de retour dans leur pays d’origine n’étaient pas fondées, a jugé qu’elles ne pouvaient bénéficier de l’application à leur profit du principe de l’unité de famille du fait de leurs liens avec un ressortissant turc reconnu réfugié par l’OFPRA. En effet, la possession de la nationalité d’un autre Etat dont elle peut obtenir la protection fait obstacle à l’application du principe de l’unité de famille à cette mère de famille remariée avec un réfugié de nationalité turque ; et, concernant ses enfants mineures, leur absence de filiation légalement établie avec son époux fait également obstacle à l’application à leur profit de ce principe (CNDA GF 22 décembre 2022 Mme K. et ses enfants n°s 20029566 – 20029567 – 20029589 R).
16 décembre 2022
La qualité de réfugié est refusée à un jeune homme nigérian craignant des persécutions dans son Etat d’origine mais qui ne serait pas exposé à des risques de persécution ou atteinte grave s’il s’établissait au sud de la République fédérale du Nigéria.
Après avoir examiné les craintes invoquées par l’intéressé, un Haoussa menacé de mort dans l’Etat de Kadouna à la suite de sa conversion de l’islam au christianisme, la Cour a admis le bien-fondé de ses craintes et estimé qu’il pourrait se voir reconnaître la qualité de réfugié pour un motif religieux. Le juge de l’asile lui a, eu égard au contexte général, politique, religieux et social prévalant au sud du Nigéria et au cas particulier qui lui était soumis, à savoir celui d’un jeune homme de 24 ans membre d’une église pentecôtiste très influente qui pourrait très probablement s’installer et s’insérer sans difficultés particulières dans cette région du Nigéria, opposé une solution dite d’ « asile interne », en vertu des dispositions de l’article L. 513-5 du CESEDA (CNDA 25 novembre 2022 M. A. n° 21061849 C+).
16 décembre 2022
La législation grecque sur l’asile ne saurait être interprétée comme faisant dépendre l’existence de la protection internationale accordée dans ce pays de la validité du titre de séjour délivré en application de celle-ci.
Cette décision concerne le contentieux des demandes d’asile formées en France par des personnes déjà admises au bénéfice d’une protection internationale dans un autre Etat membre de l’Union européenne (UE). Pour que la Cour examine le bien-fondé de leur demande d’asile, il appartient aux demandeurs se trouvant dans cette situation de démontrer que cette protection préalablement obtenue a cessé d’exister ou qu’elle est ineffective, étant rappelé que l’effectivité des protections octroyées en vertu de la directive 2011/95/UE doit être présumée . Il était soutenu, en l’espèce, à l’appui d’une demande de réexamen qu’en application de l’article 24 (1.) de l’« International Protection Act » (IPA) du 1er novembre 2019, disposition législative grecque concernant les modalités de renouvellement du titre de séjour délivré au bénéficiaire d’une protection internationale octroyée par ce pays, l’expiration du titre de séjour entraînait la perte de la protection.
S’agissant du rapport existant entre la protection internationale et le titre de séjour qui en est la conséquence, le Conseil d’Etat a jugé que la circonstance que la personne bénéficiant d’une protection internationale accordée par un autre Etat membre n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour auprès des autorités compétentes est, par elle-même, sans incidence sur l’existence et sur l’effectivité de cette protection .
C’est dans cette perspective que la Cour a considéré que l’intéressé n’apporte aucun élément permettant de considérer que les autorités grecques ont pris une décision mettant fin à la protection subsidiaire. Ensuite, soulignant que le requérant s’est abstenu de solliciter auprès des autorités grecques le renouvellement de son titre de séjour ou la délivrance d’un nouveau titre, la Cour relève que le texte de l’article 21 (1.) de l’IPA ne permet pas de déduire la fin ou l’ineffectivité de la protection de l’expiration du titre de séjour afférent (CNDA 24 novembre 2022 M. N. n°22000212 C+).
16 décembre 2022
La CNDA exclut du bénéfice de la convention de Genève un ex-officier des Forces Armées Burundaises (FAB) en raison de sa responsabilité hiérarchique dans des crimes de guerre commis par des militaires placés sous son commandement.
La juridiction de l’asile exclut, sur le fondement de l’article 1er F a) de la convention de Genève, un ancien général major des forces armées burundaises au motif qu’il existe de sérieuses raisons de penser qu’il se serait personnellement rendu coupable de crimes de guerre commis, entre 1995 et 2002, par des militaires placés sous sa responsabilité hiérarchique dans deux régions militaires dont il était le commandant.
La Cour s’inscrit dans la démarche classique en la matière en établissant tout d’abord le bien-fondé des craintes actuelles de persécution de l’intéressé, liées à son appartenance ethnique tutsie et aux opinions antigouvernementales qui lui sont imputées, avant de se prononcer sur l’existence de raisons sérieuses de penser que celui-ci a eu une part de responsabilité dans la commission de crimes de guerre, en qualité d’officier supérieur, dans le contexte de la guerre civile burundaise (1993-2005). Pour étayer la qualification de crime de guerre, la décision se réfère, conformément à sa jurisprudence en la matière, au statuts de Rome de la Cour pénale internationale, à la charte du tribunal militaire international annexé à l’Accord de Londres du 8 août 1945 et au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août adopté le 8 juin 1977. La responsabilité de l’intéressé résulte en l’espèce tant de sa position hiérarchique vis-à-vis des auteurs matériels des exactions, meurtres et déplacements forcés de populations, commis dans des localités relevant de son commandement, que du fait qu’il n’a jamais cherché à prévenir ou à sanctionner ces actes. La Cour écarte par ailleurs toute exonération de la responsabilité de l’intéressé fondée sur ses activités postérieures à son départ de l’armée et sur l’amnistie dont il a bénéficié à la fin de la guerre (CNDA 15 novembre 2022 M. N. n° 21057966 C).
16 décembre 2022
La CNDA reconnait la qualité de réfugié à un ressortissant irakien en raison de ses craintes fondées de persécutions du fait de son appartenance au groupe social des personnes homosexuelles en Irak.
Bien que les relations sexuelles entre personnes du même sexe, ne sont pas expressément criminalisées dans la législation irakienne, des dispositions d’ordre général sont utilisées pour poursuivre, sur des fondements divers, les homosexuels et plus largement les membres de la communauté LGBTI, qui sont par ailleurs l’objet de discriminations et de violences graves commises, en dehors de tout cadre légal, par des agents de l’Etat, y compris au Kurdistan irakien. De telles violences, pouvant aller jusqu’à la torture et l’assassinat, sont également le fait de groupes armés, nombreux et actifs dans un pays qui connait, depuis de longues années, un conflit armé.
La Cour juge que le requérant est exposé à la réitération des violences subies au sein de la cellule familiale avant son départ d’Irak ainsi qu’au risque plus général lié aux violences graves perpétrées actuellement par divers secteurs de la société irakienne à l’encontre de membres de la communauté LGBTI de ce pays. La qualité de réfugié lui est reconnue sur le fondement de son appartenance au groupe social des personnes homosexuelles d’Irak (CNDA 10 novembre 2022 M. T. n° 21011453 C).
16 décembre 2022
La CNDA reconnaît la qualité de réfugié à un ressortissant tunisien en raison de craintes fondées de persécution résultant de son appartenance au groupe social des personnes homosexuelles.
Après avoir identifié le groupe social des personnes homosexuelles en Tunisie, pays qui criminalise les relations entre personnes du même sexe, la Cour a tenu pour établi l’homosexualité de l’intéressé ainsi que les persécutions subies pour ce motif. Identifié comme homosexuel par son entourage et par les habitants de sa localité, il craint avec raison d’être stigmatisé et à nouveau persécuté pour ce motif (CNDA 20 octobre 2022 M. R. n°21060804 C).
11 octobre 2022
Protection subsidiaire : Au Tchad, la province du Lac connait actuellement une situation de violence aveugle.
Après avoir relevé que le requérant ne faisait valoir aucune crainte tenant à son appartenance ethnique buduma, la Cour établit sa provenance de la province du Lac Tchad tout en écartant ses allégations selon lesquelles il aurait été persécuté par les autorités tchadiennes du fait de son appartenance supposée au groupe Boko haram. Actuellement, il n’existe pas de conflit armé généralisé au Tchad, cependant, les dernières données géopolitiques disponibles font état d’une situation d’instabilité grave dans la province du Lac résultant des attaques répétées de Boko haram et de l’Etat islamique en Afrique de l’ouest (ISWAP) à l’encontre des civils, des opérations militaires menées en représailles par l’armée tchadienne, des déplacements importants de population et de la crise humanitaire qui en ont découlé, lesquels caractérisent une violence aveugle dont l’intensité n’est cependant pas telle que tout civil renvoyé dans cette province courrait, du seul fait de sa présence sur ce territoire, un risque réel d’être exposé aux menaces visées par l’article L.512-1 3) du CESEDA. Dans ce cas de figure, la Cour rappelle qu’il revient au requérant d’apporter des éléments d’individualisation crédibles quant à son exposition personnelle au risque. Pêcheur de profession et amené par conséquent à se déplacer régulièrement dans la province pour subvenir à ses besoins, ses craintes d’être ciblé par des éléments armés de la mouvance djihadiste, alors que des sources fiables attestent qu’ils procèdent à des extorsions parmi les pêcheurs, sont établies et lui ouvrent droit à la protection subsidiaire (CNDA 19 août 2022 M. Y. n°22004078 C).
10 octobre 2022
Egypte : la CNDA reconnait l’existence du groupe social des femmes et enfants exposés à un risque de mutilation sexuelle.
La CNDA reconnaît pour la première fois l’existence du groupe social des femmes et des enfants exposés au risque d’excision en Egypte, où cette pratique constitue une norme sociale. A ce titre, la Cour octroie la protection conventionnelle à la requérante, une jeune fille originaire de Tanta aujourd’hui âgée de quatorze ans.
Les sources documentaires disponibles mettent en évidence la prévalence très élevée de cette pratique sur l’ensemble du territoire égyptien (taux de prévalence moyen : 87%), ainsi qu’un âge moyen d’accomplissement de dix ans. La décision établit les craintes personnelles de l’intéressée d’y être soumise, du fait de tantes maternelles, sans que son père soit en mesure de s’y opposer. Celui-ci, en effet, n’a plus de famille en Egypte et a été reconnu réfugié par décision du même jour sur le fondement des persécutions auxquelles il serait exposé dans ce pays en raison de ses opinions politiques (CNDA 8 septembre 2022 Mme E. n°21059269 C).
10 octobre 2022
Les enfants d’une personne dont la qualité de réfugiée a été reconnue doivent être regardés comme titulaires de la même protection internationale que la sienne même si leurs noms ne sont pas mentionnés dans la décision la concernant.
La CNDA confirme que les enfants entrés mineurs en France d’une personne reconnue réfugiée doivent être regardés comme titulaires de la même protection internationale que la sienne bien que leur nom ne soient pas mentionnés dans la décision la concernant et même si la personne intéressée n’a pas précisé que sa demande était aussi déposée pour le compte de ses enfants.
La Cour se réfère à cet égard aux termes des article L. 521-3 et L. 531-23 du CESEDA selon lesquels, d’une part, une demande d'asile doit toujours être regardée comme présentée au nom des enfants mineurs accompagnant le demandeur en France et, d’autre part, la protection la plus étendue accordée à l’un des parents est réputée prise également au bénéfice de ses enfants. Ces dispositions sont applicables aux enfants de réfugiés comme aux enfants des bénéficiaires de la protection subsidiaire (CNDA 16 août 2022 Mme M. et MM. E. n° 22009861 C+).
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