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Sélection de décisions de la CNDA
Les décisions de la Cour
24 décembre 2020
La CNDA prend en compte l’évolution favorable de la situation des objecteurs de conscience en Corée du Sud.
La Cour rejette la demande d’un ressortissant sud-coréen invoquant des craintes de persécutions en raison de son refus d’exercer son service militaire, en sa qualité d’objecteur de conscience, au motif que ces craintes ne sont plus actuelles.
Si l’éligibilité au service militaire et la qualité d’objecteur de conscience de M. I. ont bien été tenues pour établies, la Cour relève toutefois que la situation des objecteurs de conscience a évolué depuis le départ de son pays de l’intéressé. En juin 2018, la Cour constitutionnelle sud-coréenne a déclaré inconstitutionnelle l’absence de service civil de remplacement pour les objecteurs de conscience et a ordonné à l’Etat de réviser la loi avant la fin de l’année 2019 pour prévoir cette possibilité, tandis que près de deux mille objecteurs de conscience ont été graciés en 2020. Le 26 octobre 2020, le dispositif offrant la possibilité aux Coréens d’effectuer un service civil est entré en vigueur, conférant ainsi un statut légal à l’objection de conscience en Corée du Sud (CNDA 18 décembre 2020 M. I. n° 19013796 C).
24 décembre 2020
Lorsqu’un requérant s’est désisté de sa demande devant l’OFPRA, la Cour vérifie le respect par l’Office du délai de neuf mois entre la décision de clôture et la réintroduction de la demande d’asile lui permettant de considérer qu’il s’agit d’un réexamen.
En effet, lorsque ce délai n’est pas écoulé et que le demandeur souhaite rouvrir son dossier, l’Office doit, conformément à l’article L. 723-14 du CESEDA, reprendre l'examen de cette demande au stade auquel il avait été interrompu. Dans ce cas, l’OFPRA ne peut considérer cette demande comme constitutive d’une demande de réexamen et est légalement tenu de convoquer l’intéressé pour un entretien, comme le prévoit l’article L. 723-6 du CESEDA. Faute d’avoir respecté cette garantie essentielle, la décision d’irrecevabilité opposée par l’OFPRA est annulée et l’examen de la demande d’asile lui est renvoyé (CNDA 3 novembre 2020 M. M. n° 20012252 C+).
24 décembre 2020
La CNDA précise la notion dégagée par la CJUE « d’évaluation individuelle de tous les éléments pertinents » qui peuvent conduire des Palestiniens à ne plus pouvoir bénéficier de l’assistance de l’UNRWA.
L’absence de prise en charge des soins concernant les maladies les plus graves, qui met en cause la survie d’une personne relevant du mandat de l’UNRWA et la contraint à quitter la zone d’opération de cet office entraine la reconnaissance de plein droit du statut de réfugié, conformément à l’article 1er, D de la convention de Genève. Dans un tel cas, l’UNRWA se trouve dans l’impossibilité d’assurer à cette personne, qui bénéficiait de son assistance dans cette zone, des conditions de vie conformes à sa mission.
Dans cette affaire, la Cour a estimé que la survie de M. E., atteint d’une bétâ-thalassémie majeure, ne pouvait plus être assurée par l’UNRWA, dont la situation déjà préoccupante s’agissant de l’accès aux soins des réfugiés palestiniens s’est particulièrement aggravée ces dernières années.
La Cour rejoint à cet égard les préoccupations du Conseil du contentieux des étrangers (CCE) de Belgique, en s’attachant à préciser la notion dégagée par la CJUE « d’évaluation individuelle de tous les éléments pertinents » qui peuvent conduire certains Palestiniens à ne plus pouvoir bénéficier de l’assistance de l’UNRWA (CNDA 9 décembre 2020 M. E. n° 20016437 C+).
24 décembre 2020
Protection subsidiaire « Conflit armé » : la Cour procède à une nouvelle évaluation du niveau de la violence aveugle générée par le conflit armé afghan dans la province de Nangarhar.
Appelée à se prononcer sur le recours d’un ressortissant afghan originaire de la province de Nangarhar, la Cour a procédé à l’évaluation actualisée du niveau de la violence générée par le conflit armé de cette province frontalière du Pakistan. Conformément aux lignes générales dégagées par la Grande formation dans ses décisions du 19 novembre 2020 (CNDA (GF) 19 novembre 2020 M. N. n° 19009476 R et CNDA (GF) 19 novembre 2020 M. M. n° 18054661 R), elle s’est appuyée, à cette fin, sur les informations contenues dans les rapports récents du BEEA/EASO et du Secrétaire général des Nations unies et sur les données chiffrées recueillies par la Mission des Nations unies en Afghanistan (UNAMA) et l’ONG ACLED et, s’agissant du nombre de personnes déplacées, par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (UNOCHA).
La prise en compte de l’ensemble de ces données a permis à la Cour de conclure que le niveau de la violence aveugle générée par le conflit armé dans la province de Nangarhar est actuellement d’une intensité exceptionnelle. On observe ainsi une continuité dans le niveau de violence à Nangarhar, puisque la note du CEREDOC de juin 2020, intitulée Application de la PS c) dans la province de Nangarhar – Afghanistan, proposait déjà de considérer que cette province était dans une situation de violence aveugle d’exceptionnelle intensité.
Lorsque la violence générée par le conflit armé atteint un tel niveau, l’octroi de la protection subsidiaire est justifié par les risques contre la vie ou la personne induits par la seule présence de l’intéressé sur le territoire ou région concernée, sans qu’il soit nécessaire de retenir des facteurs d’individualisation particuliers.
Le bien-fondé du recours sur les terrains de l’article 1er A 2 de la convention de Genève et de l’article L. 712-1 a) et b) du CESEDA ayant été écarté, le requérant se voit ainsi reconnaitre le bénéfice de la protection subsidiaire sur les fondements des dispositions de l’article L. 712-1 c) du CESEDA (CNDA 18 décembre 2020 M. K. n° 19058980 C).
24 décembre 2020
Protection subsidiaire « Conflit armé » : la Cour procède à une nouvelle évaluation du niveau de la violence aveugle générée par le conflit armé somalien dans la province du Bas-Shabelle et à Mogadiscio.
La Cour analyse la demande de protection internationale d’un ressortissant somalien originaire d’Afgooye dans la région du Bas-Shabelle, conformément au cadre juridique fourni par les décisions de Grande formation CNDA (GF) 19 novembre 2020 M. N. n° 19009476 R et CNDA (GF) 19 novembre 2020 M. M. n° 18054661 R.
Après avoir écarté les craintes du requérant alléguées sur le fondement de la convention de Genève, la Cour a procédé à l’évaluation, pour l’application de l’article L. 712-1 c) du CESEDA, des niveaux de violence aveugle prévalant non seulement dans la région d’origine de l’intéressé, le Bas-Shabelle, mais encore au point d’entrée du demandeur sur le territoire somalien, la capitale de Mogadiscio, qui est située dans la région du Bénadir. Il est en effet nécessaire de déterminer si le conflit en cause génère une violence aveugle exposant le demandeur à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne et, le cas échéant, le niveau de cette violence, dans la partie du pays où le demandeur a fixé ses centres d’intérêt ainsi que sur le trajet pour atteindre cette zone (CE 16 octobre 2017 OFPRA c. M. Stanikzai n° 401585 B).
Appréciant les sources pertinentes disponibles à la date de sa décision, la Cour a jugé que la province du Bas-Shabelle, où l’intéressé a établi ses centres d’intérêt, connaissait une violence aveugle d’un niveau qui n’est toutefois pas tel que toute personne y serait exposée du seul fait de sa présence à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne. Puis, estimant que l’intéressé entrera en Somalie par l’aéroport de Mogadiscio, qui est le plus proche de sa région d’origine, elle a considéré que la capitale et sa province connaissent une violence aveugle de même niveau que celui retenu pour le Bas-Shabelle.
La Cour a rejeté le recours après avoir estimé que le requérant n’apportait pas d’élément propre à sa situation personnelle de nature à justifier qu’il serait spécifiquement exposé aux effets de cette violence aveugle (CNDA 16 décembre 2020 M. Y. n° 20015807 C+).
20 novembre 2020
La Grande formation de la CNDA précise la démarche permettant d’évaluer le niveau de violence généré par un conflit armé aux fins de l’application de la protection subsidiaire de l’article L.712-1 c) du CESEDA.
Après avoir écarté les craintes alléguées par deux requérants afghans sur le fondement de la convention de Genève, la décision envisage l’application des dispositions de l’article L. 712-1 c) du CESEDA, qui visent à protéger les civils exposés à une menace grave et individuelle dans une situation de conflit armé interne ou international.
Il est nécessaire à cet effet de déterminer si le conflit en cause génère, dans la partie du pays où un demandeur avait fixé ses centres d’intérêt, une violence aveugle l’exposant à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne et, le cas échéant, le niveau de cette violence. La nécessité d’une telle évaluation résulte de la décision de principe de la CJUE du 17 février 2009 Elgafaji n° C-465/07 comme de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 7 mai 2012 OFPRA c. M. A. n° 323668 C).
La Cour retient ainsi que l’évaluation du niveau de violence se fonde sur la prise en compte de critères tant quantitatifs que qualitatifs devant être appréciés au vu de sources pertinentes à la date de la décision. Le choix de ces sources doit se conformer aux exigences des directives européennes et tenir compte des recommandations du Bureau européen d’appui en matière d’asile.
Conformément à cette démarche, la Cour juge, dans la première affaire, que la province d’origine du requérant, le Panjsher, ne connaît pas une situation de violence aveugle et, dans la seconde, que la province d’Herat, où l’intéressé a établi ses centres d’intérêt, connaît une violence aveugle d’un niveau qui n’est toutefois pas tel que toute personne y serait exposée du seul fait de sa présence à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne. La Cour prend également en compte le niveau de violence dans les provinces que les requérants devront traverser pour s’y rendre : estimant que les intéressés entreront en Afghanistan par l’aéroport de Kaboul, elle analyse la situation de Kaboul et de sa province ainsi que celle de la province de Parwan. Celles-ci connaissent une violence aveugle de même niveau que celui retenu pour Herat.
La Cour rejette les recours après avoir estimé que les requérants n’apportaient pas d’éléments propres à leur situation personnelle de nature à justifier qu’ils seraient spécifiquement exposés aux effets de cette violence aveugle (CNDA GF 19 novembre 2020 M. N n° 19009476 R et CNDA GF 19 novembre 2020 M. M. n° 18054661 R).
4 novembre 2020
La Cour protège, sur le fondement de l’article 1er D, 2 de la Convention de Genève, une Palestinienne de la Bande de Gaza placée sous le mandat de l’UNRWA et craignant d’être soumise à un mariage forcé.
Dans cette affaire où l’Office avait apprécié les craintes pour l’intéressée d’être persécutée au sens de l’article 1er A 2 de la convention de Genève et de l’article L. 711-1 du CESEDA, ou bien d’être exposée à l’un des risques d’atteinte grave visés par l’article L.712-1 du CESEDA, la Cour, après avoir relevé que l’intéressée avait été placée sous le mandat de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche Orient (UNRWA), a replacé l’analyse du dossier dans le cadre de l’article 1er D de la convention de Genève, qui prévoit à son article 1er D 1 l’exclusion de la personne qui bénéficie « actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations unies autre que le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés » et à son article 1er D 2 une exception à cette exclusion « Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque ». Cette requalification a été permise par la communication par la Cour du moyen soulevé d’office tiré de la mise en œuvre de l’article 1er D de la convention de Genève.
C’est par ailleurs la première fois que, dans le cadre de cette disposition, la Cour identifie le risque tiré du refus du mariage forcé, apprécié sous l’angle du groupe social s’agissant de l’article 1er A 2 de la Convention de Genève, comme un « état personnel d’insécurité grave » contraignant le demandeur à quitter la zone d’opération de l’UNRWA, au sens de l’article 1er D 2 de la convention de Genève éclairé par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne CJUE (GC) 19 décembre 2012, M. EL KOTT (Hongrie) C 364/11.
(CNDA 14 septembre 2020 Mme A. n°19055889 C+).
4 novembre 2020
S’agissant d’une demande de réexamen, la CNDA doit examiner la valeur probante d’un élément de preuve nouveau au dossier ainsi que sa portée quant au bien-fondé de la demande de protection.
Tirant les conséquences de la décision du Conseil d’Etat n° 429258 du 20 décembre 2019, la Cour juge irrecevable le réexamen de ce recours.
En l’espèce, pour juger le réexamen irrecevable, la Cour constate qu’eu égard au caractère défaillant de la République fédérale de Somalie, et en particulier de ses représentations diplomatiques, l’attestation de nationalité délivrée par les autorités somaliennes n’était pas susceptible de modifier l’appréciation portée sur le bien-fondé de la demande. De plus, la situation sécuritaire prévalant dans le Bas Shabelle et à Mogadiscio ne s’était pas aggravée depuis la précédente décision de la Cour dans des conditions propres à modifier l’appréciation portée sur le bien-fondé des craintes alléguées (CNDA 14 septembre 2020 Mme A. n° 19054744 C+).
4 novembre 2020
Somalie : au regard de l’ampleur de la pratique des mutilations sexuelles féminines et de leur acceptation par la société, les enfants et les adolescentes non mutilées constituent un groupe social au sens de l’article 1er A 2) de la convention de Genève.
La Cour a reconnu la qualité de réfugié à une jeune fille somalienne âgée de deux ans, représentée par ses parents, invoquant, entre autres moyens, le risque réel d’être exposée à une excision, comme cela avait été le cas de sa mère.
La jeune fille faisait grief à l’OFPRA de n’avoir pas entendu sa mère au sujet de ses risques d’être exposée à une mutilation par sa famille maternelle, la privant ainsi d’un examen particulier de sa demande d’asile. Après avoir constaté que seul le père de la requérante avait été, brièvement, entendu au sujet de ses risques de mutilation, alors même que ces risques étaient présentés comme émanant de sa famille maternelle, la Cour a jugé que l’OFPRA n’avait pas mis l’intéressée « à même de bénéficier de la garantie essentielle que constitue son audition, par la voie de ses représentants légaux ». Faisant application de l’article L.733-5 du CESEDA, la décision relève ainsi que les mutilations sexuelles féminines (MSF) sont presque universellement pratiquées dans tout le pays sans qu’un recul notable de la pratique ne puisse être relevé. Dans ces conditions, les MSF représentent objectivement une norme sociale et les enfants et adolescentes non mutilées constituent de ce fait un groupe social. La Cour a notamment pris en compte l’excision de type III (infibulation) subie par la mère de la requérante, attestée par un certificat médical, et l’attachement des familles maternelles et paternelles de l’intéressée à cette pratique, pour constater l’existence d’un risque réel, conforté par le contexte général décrit, d’être exposée à la pratique de l’excision. La Cour précise également que les parents de la requérante seraient concrètement dans l’incapacité de s’opposer à la mutilation de leur fille (CNDA 1er septembre 2020 Mme A. n°18053674 C+).
4 novembre 2020
La CNDA reconnait la qualité de réfugiée à une ressortissante burkinabé d’ethnie nankana du fait d’un mariage imposé avec le frère de son défunt époux.
En conformité avec sa jurisprudence quant à l’appartenance à un groupe social des jeunes filles et des femmes qui entendent se soustraire à un mariage imposé contre leur volonté , la Cour identifie pour la première fois un groupe social constitué au Burkina Faso des « femmes, issues de l’ethnie nankana qui, à l’instar de Mme K., refusent de se soumettre à un mariage imposé ou tentent de s’y soustraire ». Selon cette décision, il ressort en effet de sources d’information géopolitique nombreuses et concordantes que, bien que prohibée par l’article 234 du code des personnes et de la famille, la pratique du mariage forcé peut encore s’observer en milieu rural au Burkina Faso, et qu’au sein de son groupe ethnique de la requérante, le lévirat est communément pratiqué, le refus d’une femme de se marier avec le frère de son mari défunt pouvant être considéré comme une honte pour la famille Menacée , humiliée et violentée en raison de son refus d’épouser son beau-frère après le décès de son mari, elle s’est vu reconnaitre la qualité de réfugiée (CNDA 4 septembre 2020 Mme K. n° 19046460 C).
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